Robert Delaunay l’invention du pop, un livre de Pascal Rousseau vient combler un manque notoire dans l’historiographie des grandes figures de l’art moderne. La bibliographie récente le montre sans équivoque : aucun livre ou catalogue n’est disponible aujourd’hui dans les librairies, et très peu d’ouvrages de référence dans les rayons des bibliothèques.
L’auteur, spécialiste du peintre qu’il analyse ici sous le prisme des cultures visuelles et de l’archéologie des médias, propose une lecture peu habituelle de Robert Delaunay en pionnier historique de la culture pop.
Cet ouvrage s’appuie sur une étude renouvelée des sources de l’artiste. Il réunit une iconographie rassemblée ici pour la première fois, qui dresse une archéologie de l’image entre l’œuvre et son contexte d’apparition.
La peinture d’avant-garde peut-elle assumer une totale autonomie formelle au risque de faire l’impasse sur la culture de masse ?
Ainsi se pose un des dilemmes du modernisme au XXe siècle. Pour Robert Delaunay (1885-1941), acteur majeur de l’avant-garde, la réponse est sans équivoque : pressentant la nécessité de ne pas enfermer la peinture moderne dans une quête anti-illusionniste, il s’emploie à articuler réalisme (mimesis) et abstraction (aisthesis).
Précurseur du pop dans L’Équipe de Cardiff en 1913, il est aussi l’un des premiers peintres abstraits de sa génération, avec la série des Formes circulaires conduisant au Disque.
L’analyse des sources de L’Équipe de Cardiff (cartes postales, magazines illustrés, affiches, sports, mode, aviation, etc.) et leur inscription dans les débats esthétiques de l’époque montre combien Robert Delaunay réconcilie deux filiations opposées de l’historiographie classique de l’art moderne : « peinture pure » versus « peinture pop ».
À partir de cette œuvre-manifeste, l’essai de Pascal Rousseau renouvelle l’approche du peintre que l’on cantonne, trop volontiers, à un orchestrateur décoratif de la couleur. C’est sous-estimer les intuitions de sa recherche pionnière sur le statut de l’artiste, de l’image et de l’abstraction à l’ère du consumérisme cosmopolite du premier XXe siècle.
Comment Delaunay fait-il entrer dans sa peinture, et partant dans l’art de son temps, la publicité, le culte du muscle, la carte postale et le sens du vertige ? Comment contribue-t-il à une théorie visuelle du contemporain fondée sur une pensée des médias ? C’est ce que Pascal Rousseau nous apprend, s’appuyant sur un corpus d’images jamais rassemblées, dans une langue à la fois savante et accessible.
Pascal Rousseau est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université Paris I Panthéon- Sorbonne, spécialiste des avant-gardes historiques et des débuts de l’abstraction, des liens entre imaginaire, sciences et technologies dans la culture contemporaine (XIX-XXIe siècles).
Il a consacré, à ce jour, une quinzaine d’articles à l’œuvre de Robert Delaunay dans des revues scientifiques et des catalogues d’exposition. Il a été notamment le commissaire de l’exposition Robert Delaunay. De l’impressionnisme à l’abstraction (Centre Pompidou, 1999) et co-commissaire de l’exposition Robert y Sonia Delaunay (Fundacion Thyssen Bornemisza, Madrid, 2002).