Tous les mercredis, Yves Carchon, écrivain, nous ouvre son univers littéraire, en nous offrant le plaisir de la lecture d'une nouvelle ou d'une micro-fiction.
Il y a des années, je vous parle d’un temps où j’écrivais encore, j’ai suivi une correspondance avec une certaine C., lectrice à ses heures de mes premiers romans…
Gardons-nous de décliner son nom : en parler ne rajouterait rien à l’histoire ! Peu de lettres échangées, mais assez intenses pour m’en souvenir.
De longues lettres hybrides, échevelées que sa plume ne voulait pas lisser. Je parle de ses lettres à elle, les miennes s'étant volatilisées entre ses mains.
Un jour, — ne me demandez pas pourquoi ! — elle a cessé de m’écrire : simplement, sans tapage, comme quelquefois les choses arrivent dans une vie. Ni fâchés, ni prudents, ni même malheureux.
Ainsi cheminent les sentiments humains. Quand je dis « humains », je reste néanmoins très, très prudent. Rien n’est-il moins humain que de manquer à qui ne vous connaît même pas ?
Rien donc de moins humain que C… pût me manquer, alors même qu’on ne s’était jamais réellement rencontré ! C’est pourtant ce qui m’advint.
Retombant sur ses courriers, je me mis à les relire. En redécouvrant ses phrases, les mots qu’elle tentait de me livrer, comme des baisers qu’on refuse, je sentis à leur lecture un manque qui me gagna.
Un grand manque.
Comme si elle et moi avions vécu un bout de rêve inabouti !
Ce vide, je le mesurai d’autant, en lisant et relisant ses lettres ; et à travers une ou deux, des réponses à des questions que j’avais posées dans mes courriers...
Ainsi, grâce à cette récolte de mots sur le papier, naquit ce qui m’apparut être l’ébauche ou peut-être le commencement d’un sentiment.
Non pas de l’amour, ni de l’amitié.
De la gratitude, de la joie à me sentir vivant, du plaisir et un certain bonheur à me savoir en fusion avec une autre, quoiqu’elle fût lointaine, voire morte. C. et moi étions restés deux inconnus, qui avions tissé un lien très fort, tout ténu fût-il, même si nous avions manqué l’enlacement.
Il y a des années, lorsque j’écrivais encore…
J’ai repris la plume, depuis !
Une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de
Et de son dernier polar : Deborah Worse