Demain sera un jour heureux… "Ça ira mieux demain" une courte  nouvelle inspirée du recueil « Chemins étranges »… signée Solange Schneider pseudo Zalma…

Ça ira mieux, demain… 

Aujourd’hui, Dany se sent vidé sans savoir pourquoi. Il se dit qu’il aurait bien voulu une autre vie, ou plutôt retrouver sa vie d’avant : revenir en arrière, faire que ce divorce n’ait jamais existé. Ou alors tout simplement, recoller les morceaux, avec Mary, revoir le soleil jaune et fou comme autrefois…

Mais ce matin est gris, gris comme la pluie et comme la vie. Ça fait longtemps qu’il n’a plus regardé le ciel.

Dany se lève aujourd’hui encore et ne sait plus pourquoi, mais il a vingt-quatre heures pour boucler ce dossier. Il trébuche sur un objet dur, il jure ; et puis, il s’aperçoit que c’est un petit carré bleu, un jouet que son fils a oublié. Il attrape la boîte de café instantané, ouvre un sachet et se dit qu’il rendra le jouet dès qu’il pourra, mais pas avant d’avoir terminé le dossier.

Quand ce sera fini, il s’arrêtera. Il se le promet, pas comme la dernière fois, quand il avait continué à travailler jusqu’à en perdre la tête, et que son fils avait pleuré d’énormes billes transparentes et brillantes, et avait demandé : « Mais alors quand, papa ? ».  Non, là, il le fera vraiment : il l’emmènera marcher dans le sable, tout près de l’eau salée, immense et bleue de ciel ; et ils iront courir ensemble en riant, parce que son fils n’a que huit ans, et ce rire-là, il veut l’entendre encore une fois… avant qu’il ne glisse pas à pas dans sa vie d’homme, celle qu’on aura bâtie pour lui, dont il voudra ou pas, on verra bien.

***

Dany pense à tout ça, en conduisant trop vite parce que son associé l’attend depuis un bon moment déjà, et qu’il sait qu’il sera furieux, qu’il l’est déjà puisque le téléphone a sonné plusieurs fois, et Dany a crié dans le combiné : « C’est bon, James ! J’arrive ! ».

Alors il accélère, il jure entre ses dents mais se dit que demain, il sera libre, au moins un peu. Demain sera un jour heureux, c’est ainsi qu’il le veut…  

Il tousse et se mouche bruyamment, et ne sait pas pourquoi il a les larmes aux yeux, se dit qu’il a pris froid, un peu, mais que demain ça ira mieux. Et que demain, quand il aura fini ce qu’il doit terminer aujourd’hui, il tentera une folie. Oui, demain, il dira à Mary qu’il est amoureux fou, et d’elle et de la vie. Il demandera si elle lui laisse une chance, une dernière chance de repartir à deux, de vivre mieux, d’aimer leur fils ensemble.

Il ne sait pas qu’elle dira oui. Ou bien peut-être non… Il ne voit pas le camion, ses roues énormes dans lesquelles il s’encastre. Il fait noir d’un seul coup ; il voulait le soleil, et l’eau du ciel dans la mer infinie.

Il n’entend pas la sirène des pompiers, Mary qui hurle à son chevet, son fils serré entre ses bras…

***

Deux mois plus tard, un cri d’enfant vient déchirer sa nuit : « Maman, papa s’est réveillé ! ».

L’hôpital est gris et blanc. À travers la fenêtre, Dany distingue dans le brouillard un morceau de ciel bleu. Et là, devant ses yeux, son fils rit de joie et pleure des larmes cristallines.

Et tandis que Mary prend sa main, sa paume chaude caresse ses doigts. Alors, dans l’agitation des médecins qui se précipitent à son chevet, au milieu du brouhaha et des odeurs d’éther, Dany sait que le soleil effleure sa vie, et que demain est enfin arrivé…

Nouvelle inspirée du recueil « Chemins étranges »