Et si une tasse de thé était « le plus don » ? Ou bien le pire, sait-on jamais… ?
Voici une nouvelle, écrite d’après « Le plus beau don », extraite du recueil « Ma vie en rouge et noir ».
Bonne lecture, et excellent « tea time » !

LE PLUS BEAU DON…
Je sonne à sa porte, sonne encore pour la énième fois. Cela fait au moins dix minutes que le carillon résonne dans le couloir de son immeuble sombre. Elle finit par m’ouvrir, s’excuse de n’avoir pas entendu la sonnette, me dit qu’elle dormait, qu’elle se reposait, s’excuse encore, déplace sa forme massive pour me laisser entrer. Sur la table de la cuisine, elle a disposé des fleurs dans un vase bleu ; pour égayer un peu, me dit-elle, pour fleurir le décor sinistre de son appartement qu’elle ne supporte plus ; pour m’accueillir.
Elle prépare le thé et la nausée m’envahit déjà. Je m’en veux de ce dégoût qui me submerge et que je ne contrôle que difficilement. Je voudrais sortir, respirer l’air frais du dehors, quitter ce lieu confiné.
Elle revient avec les tasses, elles sont en porcelaine, avec un liseré doré. Elle les pose lentement sur la table, me dit que sa maladie l’affaiblit, ralentit ses mouvements. Elle dépose un paquet sur mes genoux : c’est un cadeau pour moi, encore un. J’aime les livres, pas les cadeaux. C’est un beau livre, je sais que j’aimerai le lire.
Elle verse le thé dans les tasses, dit qu’elle aime offrir, m’explique que le don est la noblesse de l’Homme. Il y a quelques années, elle avait un grand chien blanc, il ne lui offrait jamais rien.
J’ai apporté des chocolats, emballés dans du papier fin, irisé. Elle me remercie mais son sourire est un peu figé. Je comprends que mon cadeau ne lui convient pas. Elle dit encore que le plus beau don est celui de l’âme…
(…)
Ma cuiller colle au sucre poisseux étalé sur la soucoupe. L’odeur du thé est forte. Trop infusé, presque noir, il colle au fond de la tasse, y laisse un dépôt noirâtre comme une larme triste.
Je voudrais m’enfuir ; au lieu de ça, je souffle sur ma tasse de thé fumant en pensant : « au moins un morceau d’âme, juste un peu, au moins lui donner ça ». Un ciel sombre m’engloutit soudain, le froid m’enveloppe et j’oublie tout : mon mari, mes enfants… Tout s’évanouit dans la pièce confinée, dans l’air irrespirable aux relents de thé noir.
Assise face à moi, Lucie me regarde en souriant étrangement…

Une nouvelle signée Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteure de « Chemins étranges », « Points de fuite », et « Demain, tout ira bien ! » et « Ma vie en rouge et noir »
8 commentaires
on le dit, il est plus gratifiant de donner que de recevoir !
c’est juste
J’aime bien le thé à la menthe qu’ils font en Tunisie….
Ils ont un don pour le faire
Devant un cadeau cette personne est bien ingrate!
les réactions peuvent surprendre
Etrange atmosphère autour d’une tasse de thé .
comme quoi…