Ceci n'est pas un essai ni une biographie, ce livre est une « promenade » du côté de chez Céline. D'une écriture élégante et selon un tempo lent ou saccadé, l'auteur trace, à l'aide de touches de couleur — blanc, bleu, noir, brun nazi, vert anglais,… — un portrait original de Céline. L'esprit de procès est banni pour cette œuvre controversée. Le lecteur suit Céline le long d'une vie menée telle celle d'un baladin.
Du côté de chez Céline
« Evoquer Céline, c'est se préparer à recevoir des tombereaux de projectiles. »
Qui écrit sur Céline (Louis-Ferdinand Destouches de son vrai nom), doit trembler. Parce que plane sur lui un mot terrible, un mot qui s'impose tout de suite, un mot qui dépasse la légèreté, les manières de sa dentellière de mère ou les postures de l'écrivain connu, puis célèbre parce que maudit, que Louis-Ferdinand se voulait. Ce mot, c'est l'inconséquence.
Qui était Céline ?
Sous-officier mutilé pendant la première guerre mondiale, puis médecin, chroniqueur et pamphlétaire raciste, antisémite, collaborationniste, véritable nazis enfin, Céline fut également un écrivain de génie. Fils philosophique de Proust, il décroche le prix Renaudot en 1932 avec son Voyage au bout de l'enfer. Un livre, paradoxalement, salué par tous les grands hommes de gauche de l'époque. Il renouvelle alors le récit romanesque traditionnel, jouant avec les rythmes et les sonorités, dans ce qu'il appelle sa « petite musique ».
Céline est aussi une femme (quel écrivain reprend comme nom de plume le prénom de sa grand-mère ?) amateur avoué de lesbiennes. Il participe aux ébats mais se retire, conserve bourgeoisement son énergie pour le travail. Porté sur la chose, ou plutôt aux images de la chose tel Proust. Voyeur, enregistreur, peintre… Initiateur des scènes, romancier.
L'encre peut avoir diverses couleurs. Mais le noir domine.
Et qui dit noir dit blanc. La mort demeure présente. Céline est contemporain d'Himmler et — chacun l'apprend le temps passant — pas seulement contemporain. La Shoah, tragédie d'une dimension biblique, rend bien minuscule le jeune cuirassier et son Voyage au bout de la nuit n'est plus celui qu'on disait. Évoquer Céline, c'est par nécessité prendre du champ et se préparer à recevoir des tombereaux de projectiles.
Et pourtant ! N'est-il pas possible de s'éloigner de la table du trépané de 1914 et constater calmement la naissance du génie ? Le recul est-il possible ? Tant de louanges ont alterné avec les études historiques démontrant le niveau d'infamie du docteur Louis-Ferdinand Destouches.
Un livre publié aux éditions Portaparole et disponible en librairie à partir du 14 juin
Jean-Philippe de Garate
Issu du Pays basque, Jean-Philippe de Garate n’a cessé d’être au contact de mondes qui « se croisent mais ne se rencontrent pas ». Fils d’expatriés d’Afrique du Sud, Sciences Po, premier secrétaire de conférence, école de la magistrature… Juge des enfants, il a croisé la détresse des orphelins de Cambrai et présidé mille et une audiences de Meaux à Nanterre.
Ensuite conférencier du Chili en Islande sur des bâtiments de croisière, journaliste parlementaire, responsable politique, il privilégie la mer et les fleuves, l’eau, la remontée vers la source: la littérature, lieu de confluences… et l’écriture.
4 commentaires
Un génie tellement haï. Quel écrivain !
Tout à fait
il est clair que Céline a fait couler beaucoup d’ encre, mais on peut adorer un chanteur, et détester l’ homme
La comparaison est juste.