Mais il fallait d’abord brûler les cadavres humains et les charognes empestant les villes…« Mylil » une nouvelle signée Solange Schneider pseudo Zalma.

Mylil
Ils n’allaient plus se voir. Elle le savait. Elle aurait pu le lui dire, avant qu’il ne soit trop tard, mais l’information circulait à toute allure tout en restant floue. La nuit tomberait dans quelques heures, en même temps que l’annonce officielle, et elle n’avait rien dit, l’avait laissé partir, sa carte de presse dans sa poche, sûr de lui.
Elle était aux premières loges, non pas nourrie de naïveté ; au contraire, c’était même elle parfois, qui nourrissait les autres de fausses rumeurs rampantes, enflant jusqu’à étouffer la population dans sa propre peur. Pourtant, les habitants de l’île n’avaient encore rien vu…
Elle le regarda s’habiller, passer un tee-shirt propre et ses mains dans ses cheveux épais, remettre ses boucles brunes en place. Il se retourna et sourit :
- Vivement mardi !
Une lueur pétilla dans ses yeux, Maeve répondit :
- Vivement… pour la vie ?
- Pour la vie, murmura-t-il en s’approchant d’elle.
Et puis, il la souleva dans ses bras et l’embrassa, caressa ses longs cheveux blond cendré avant de se détacher d’elle et d’enfin, boucler ses bagages.
Simon partit, son sac à dos ainsi qu’une valise bourrée d’appareils photos, de caméras, de tout le matériel nécessaire à son reportage.
En le regardant s’éloigner, Maeve se dit qu’il était bon, parfois, de ne pas savoir, de vivre simplement sa vie comme si elle n’allait jamais avoir de fin…
Bientôt, la ville fermerait ses portes, mais pour combien de temps ? Un jour, une semaine ou davantage ? Jusqu’à mardi prochain, et ils se reverraient à temps pour se marier ainsi qu’ils l’avaient prévu, rien qu’eux deux, juste avec les témoins ? Était-ce une fausse alerte, ou bien est-ce que le confinement des villes de l’île durerait aussi longtemps que la dernière fois… ?
Simon ne savait rien de l’île, il y était certes né, il en connaissait toutes les villes, mais pas leur Histoire. Il n’avait étudié que « la version officielle », celle des manuels scolaires…
Plus tard, il saurait mais il serait trop tard… Oui, il saurait : la peste qui ravageait tout, détruisant l’Humanité jusqu’à sa moindre parcelle. La peste qui revenait hanter l’île, à chaque siècle, ruinant les constructions. Tout ce que les hommes et les femmes avaient bâti durant un siècle serait anéanti en quelques mois…
Longtemps après la catastrophe, l’île renaissait de ses cendres, toujours. Mais il fallait d’abord brûler les cadavres humains et les charognes empestant les villes, désinfecter ce qui restait d’humanité. Parfois, l’une ou l’autre ville était épargnée. Celle qui s’était confinée à temps… peut-être Mylil, qui sait ?
Si Mylil était épargnée, Maeve resterait en vie, dans le corps qu’elle aimait et qu’elle avait choisi : celui d’une jeune femme blonde et mince, aux yeux vert d’eau… Mais Simon ne résisterait pas à ce qui s’annonçait, il ne savait même pas ce qui se préparait : Maeve l’avait laissé partir, avec ses bagages et son insouciance, pensant revenir dans quelques jours et l’épouser… Oui, elle s’était tue.
Elle s’était tue, parce que Simon n’en était qu’à sa première incarnation. Il ne savait pas ce qu’il en coûtait de revenir, siècle après siècle, sous une forme différente et de reconstruire des villes entières, trébuchant sur des chairs encore tièdes, de restaurer des ruines qui seraient à nouveau détruites, un siècle plus tard… Si Maeve avait parlé, il ne l’aurait pas crue…

10 commentaires
Je l’ai dit, on revient au moyen age et à tous les niveaux…..épidémies, religions, barbares, dictateurs….
@+
bientôt un roi ?
La fameuse métempsycose !
c’est une fiction
Décidément Zalma se fond dans l’actualité et c’est peut-être même encore plus noir !
C’est une vraie question…
l’intuition peut être de…
oui …
C’est presque d’actualité ! Bien écrit.
C’est même totalement d’actualité