Tous les mercredis, Yves Carchon, écrivain, nous ouvre son univers littéraire, en nous offrant le plaisir de la lecture d'une nouvelle ou d'une micro-fiction.
Complot de famille
Drôle d’époque ! Voilà qu’aujourd’hui chacun voulant retrouver les traces précises de son passé peut le faire très facilement en se rendant dans les locaux de l’ancienne Police Politique. Là, dans ces locaux, tout y est répertorié : votre vie dans le menu détail, vos rencontres, vos allées-venues, vos amours, votre intimité, tout, vous dis-je.
Un vertige qui vous prend quand on y est ! Certains s’en remettent, d’autres non. De guerre lasse, éperonné par la curiosité, je m’y suis rendu un beau jour. Un homme, vêtu d’une blouse grise, m’a accueilli. J’ai décliné mon nom, puis je l’ai vu s’évanouir entre deux rayonnages. Il est enfin revenu avec mon dossier sous le bras.
« Voilà ! » a-t-il dit en se débarrassant dudit dossier. Tout y est ! ».
Une grande salle m’attendait. Je me suis assis au milieu d’une foule de gens qui étaient déjà penchés sur leur passé. Et certains pleuraient, d’autres avait un teint cadavérique alors qu’ils lisaient et retrouvaient des bribes de passé.
J’ai enfin ouvert le mien, qui m’est apparu bientôt comme un cauchemar sans fin. Dix ans de ma vie ont défilé, dix ans d’espionnage de ma personne. Au bureau, dans la rue, dans les magasins, boutiques que je fréquentais.
Dans mon ascenseur d’immeuble. Sur les terrains de foot où j’avais joué avec des camarades, tout autant épiés que moi. Des photos, beaucoup de photos où je me revis plus jeune. Souriant, tranquille, sans savoir qu’on me photographiait et que l’on avait ainsi violé ma vie, mon intimité et ses plis les plus secrets…
Le pire, c’est qu’ils avaient installés chez moi des micros un peu partout. Cuisine, chambre, WC…etc…
Et l’horreur totale fut de découvrir que tels de mes amis faisaient partie de leurs mouchards.
Mon cœur se serra d’autant quand je cru comprendre que mes parents avaient participé à cette ignominie, qu’ils m’avaient en somme trahi, à seule fin d’une meilleure aisance dans leur vie.
Enfin, le coup fatal me fut hélas porté quand, décryptant feuillet après feuillet, cette tranche de ma vie, je découvris dans la sidération la plus complète que ma douce, ma tendre, ma merveilleuse Anna avait été aussi de leur complot !
Une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son nouveau polar « Le sanctuaire des destins oubliés »
8 commentaires
jouer au foot avec l’angoisse ce n’est pas top pour aller droit au but….une histoire marseillaise !
Une longue histoire…
alors là c’ est le bouquet !
Mais on constate qu’ aujourd’hui, la délation reprend du poil de la bête
Le temps des collabos est de retour…
Whaouh , une fiction qui fait froid dans le dos avec cette implication de la famille et des amis . Avec les assistants numériques personnels et l’intelligence artificielle la tache va devenir de plus en plus facile pour l’espionite aigüe.
Bonne journée
C’est une fiction que j’ai particulièrement appréciée. Le monde moderne risque de nous réserver de drôles de surprises
Trahit par ceux que l’on aime le plus c’est dur a digérer.
C’est même très dur à digérer.