La langue française : reflet des inégalités de genre ? « L’homme est un loup pour l’homme », « Les Français sont râleurs », « Nous sommes tous frères »… Ces expressions du quotidien sont éloquentes : les femmes en sont absentes, ou du moins invisibilisées. Le français, loin d’être un simple outil de communication, façonne notre perception du monde et reflète des inégalités profondes. L’ouvrage Entre elle et lui met en lumière ces asymétries linguistiques et interroge leur impact sur la place des femmes dans notre société.
Le masculin peut-il vraiment être neutre ?
Une idée largement répandue voudrait que le masculin puisse être utilisé de manière neutre, englobant aussi bien les hommes que les femmes. Mais cette affirmation résiste mal à l’analyse. Lorsqu’on entend « les écrivains du XIXe siècle », visualise-t-on autant George Sand que Victor Hugo ? Le masculin générique tend à effacer les femmes, à les rendre secondaires ou optionnelles. Ce phénomène linguistique n’est pas anodin : il influence notre manière de concevoir le monde et de structurer nos références culturelles.
Des habitudes langagières qui entretiennent les inégalités
Certaines tournures de phrases traduisent des rapports de domination. On parle de « frères et soeurs », jamais de « soeurs et frères » ; « hommes et femmes », mais rarement l’inverse. De même, lorsqu’on évoque des figures publiques, les femmes sont souvent appelées par leur prénom (« Brigitte Macron », « Simone de Beauvoir »), tandis que les hommes conservent leur nom de famille (« Macron », « Sartre »). Ces différences peuvent sembler anecdotiques, mais elles traduisent un biais profond qui minimise la place des femmes dans l’espace public et dans l’Histoire.
Le poids des insultes et des stéréotypes
Le lexique français regorge d’insultes genrées. Les termes désobligeants visant les femmes sont fréquemment réducteurs et sexualisés (garce, salope, pute), alors que les insultes masculines font généralement référence à la faiblesse ou à la couardise (pleurnichard, loser). Ce décalage linguistique met en lumière les attentes différenciées envers les hommes et les femmes, renforçant ainsi les inégalités de genre.
Une réflexion nécessaire sur l’écriture inclusive
Face à ces constats, de nouvelles pratiques émergent : féminisation des noms de métiers, doublets (« les Français et les Françaises »), ou encore usage du point médian (enseignant.e.s). Ces solutions suscitent des débats passionnés, oscillant entre adhésion enthousiaste et rejet virulent. Pourtant, loin d’être une mode passagère, ces évolutions visent à rééquilibrer la langue et à mieux refléter la diversité du monde.
Les Autrices
Anne Le Draoulec et Marie-Paule Péry-Woodley, chercheuses en linguistique, ont dirigé cet ouvrage collectif.
Avec, en plus de leurs propres contributions, celles de Julie Abbou, Anne Abeillé, David Bellos, Claire Beyssade, Christophe Benzitoun, Geneviève Brisac, Ann Coady, Marlène Coulomb-Gully, Yanis da Cunha, Théo Delemazure, Annie Ernaux, Cécile Fabre, Pascal Gygax, Catherine Kerbrat-Orecchioni, Alain Kihm, Camille Laurens, Marie Nimier, Stéphanie Pahud, Josette Rebeyrolle, Laurence Rosier, Louis de Saussure, Nathalie Schnitzer, Sandrine Zufferey.
Les droits d’autrices de cet ouvrage sont intégralement reversés à deux organismes oeuvrant en faveur des droits des femmes : La Fondation des femmes et l’association toulousaine Soulèvement National Iranien (liée au mouvement Femme, Vie, Liberté).
Conclusion : et si nous changions notre façon de parler ?
Les mots ont un poids et une influence. Ils participent à façonner nos représentations, nos comportements et nos mentalités. Réfléchir à la place des femmes dans la langue, ce n’est pas seulement une question de grammaire, c’est une question de société.
Titre : Entre elle et lui – Variations sur les asymétries de genre en français
Sous la direction de Anne Le Draoulec et Marie-Paule Péry-Woodley
Nombre de pages : 344 pages
Date de Parution : 7 mars 2025
Editeur : éditions de l’Aube
Collection : Monde en Cours
ISBN 978-2-8159-6183-7
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2 commentaires
La langue est le reflet de la société, et depuis la règle édictée que le masculin l’emporte sur le féminin en orthographe, il est bien compliqué de changer de point de vue. Et le masculin n’est pas la même chose que le neutre, comme d’autres langues qui l’on adopté.
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