Dès le début, les rôles sont truqués. Son père n’est pas son père, sa mère n’est pas sa mère. « Fils de boche ! » disaient-ils trop souvent. Suivez Luc, né à Nancy, six semaines avant le débarquement de Normandie, enfant dominé, puis adolescent manipulé dans une vie où le mensonge semble être la règle essentielle.

Ce qui est sûr n’est pas certain
Luc, jeune garçon, traverse les années d’après-guerre et découvre plusieurs tragédies humaines. Les guerres d’Indochine et d’Algérie, l’invasion soviétique de Hongrie, la rupture du barrage de Malpasset, la détresse des enfants de la Creuse, les ratonnades d’octobre 1961.
Il croisera les séquelles de la guerre, l’égoïsme, l’injustice, le racisme, la mort et le crime.
D’autres épisodes plus heureux et ses rencontres avec de belles personnes lui feront découvrir les émois profonds des amours adolescentes et lui procureront la force et la détermination nécessaires à sa longue recherche identitaire.
Saura-t-il en fin de compte qui est-il vraiment ?
C’est sûr, trop d’embûches sont jetées sur son chemin pour en être certain.
Extrait
A quinze ans et quelques mois donc, Luc veut trouver le chemin de l’indépendance. Il veut partir en vacances cet été. Son ami Jean-François partage cette envie. Il ne manque que l’argent, seulement ça.
Par l’école, des stages en entreprise sont proposés. Il en choisit un et prend rendez-vous avec le chef d’entreprise. Avec beaucoup de chances, il est engagé pour tout le mois de juillet sur une chaine de montage de moteurs de motoculteurs. Lever tôt, debout tout le jour, des gestes très répétitifs. Enfin bref, travailler à la chaîne. Mais Luc n’est ni le premier, ni le dernier à faire un travail pareil.
Et au bout, encaisser sa première paye et partir en vacances par ses propres moyens.
Ça ressemble bien à un début d’indépendance…..
Sauf que…..
Le lundi soir, la première journée de travail terminée, il rentre à la maison vers six heures. Très fatigué. Debout pendant huit heures à la chaîne de montage, Luc n’y est pas habitué. Jusqu’alors, travailler c’est être assis à un bureau. Au signal de fin de journée, une sonnerie stridente, il est content de reprendre son vélo et pouvoir rentrer à la maison.
Bizarre ! Le magasin est fermé, les volets obturent la vitrine. La porte d’entrée du magasin est verrouillée. Pourtant à cette heure-ci, tout devrait être ouvert. N’ayant pas la clé, Luc doit sonner, plusieurs fois. Il patiente bien cinq bonnes minutes avant que sa mère lui ouvre enfin, le visage crispé.
– Ton père ne s’est pas levé de la journée !
– Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?- Y s’est pas levé de la journée. Il est encore couché.
– Ah bon, il est malade, qu’est-ce qu’il a ?
– Y dit qu’y veut pas s’lever
– …..
– Y veut pas s’lever à cause de toi.
– …..
Luc ne comprend rien à la situation. Jamais le magasin et l’atelier n’étaient restés fermés une journée. C’est inimaginable !
– Il m’a dit qu’il se lèvera quand tu arrêteras d’aller travailler ailleurs.
C’est à tomber littéralement des nues.
Que dire ? Que faire ? Evidemment, c’est une situation complètement inattendue. Il va travailler un mois pour se faire de l’argent, gagner son premier argent, pouvoir partir en vacances, et ainsi gagner un début d’indépendance.
Et le premier jour, son père décide de ne pas se lever, de ne pas travailler, de n’ouvrir ni le magasin, ni l’atelier. De renvoyer les ouvriers chez eux.
Le soir, il ne se lève pas. Il ne mange pas. Couché, dos tourné, sur le sofa. Pas un geste. Pas un mot. RIEN !
La mère pleure un peu. Plusieurs fois, elle ose lui demander de venir à table. Sans réponse. Luc tente, lui aussi, de le ramener parmi eux.
– Viens P’pa. Viens au moins manger.
– ….
– Pourquoi tu fais ça ? Je comprends pas.
– …..
– M’man me dit que c’est parce que je vais travailler dehors. C’est ça ?
– …..
On dirait qu’il est mort. Pas un mot, pas un mouvement. Un cadavre, le dos tourné vers le mur, en position fœtale.
– P’pa, arrête ! Pourquoi tu fais ça ?
Toujours rien.
Tous deux mangent en silence, le nez dans l’assiette. Sans un mot, sans même la radio. Comme lorsqu’il y a un mort dans la famille. Luc part se coucher. La situation toujours bloquée et la tête pleine d’interrogations.
La nuit porte conseil, dit-on, et demain sera un autre jour.
Le lendemain matin, il se lève très tôt, comme d’habitude. Chaque matin, il part avant que l’un ou l’autre ne se lève. Une toilette rapide à l’évier de la cuisine, le petit déjeuner, le sac, le vélo et c’est parti.
C’est sa deuxième journée de travail semblable à la première, mais toute différente dans sa tête. Le chef d’atelier lui explique qu’hier il n’est pas passé à la pointeuse, mais que dorénavant, on avait créé sa fiche de pointage et il faudra pointer à huit heures, à midi, à une heure et demie et à six heures.
– Sinon, c’est comme si t’étais pas là, et donc, tu ne seras pas payé.
Sans dire un mot, il s’étonne qu’on puisse donc parler à quelqu’un qui est là et affirmer en même temps qu’il n’est pas là si sa fiche de pointage n’est pas à jour. Il faut qu’il apprenne très vite les codes du travail.
A l’école, on te considère bon élève si tu poses des questions. Ici, c’est le contraire. Il faut enregistrer ce qu’on te dit et le faire. Pas plus. Pas moins.
Toute la journée, Luc imagine ce qui doit se passer à la maison. Plus l’heure avance, plus il est convaincu qu’à son retour ce soir, tout sera rentré dans l’ordre. Il se rassure. Ce lundi là a été une journée pas comme les autres. Un accident. Incompréhensible, mais un accident.
Ce soir là, le chemin de retour est un petit moment de gaieté. Physiquement, moins fatigué que la veille, il commence à s’habituer.
– Tout ira bien désormais, se persuade-t-il.
Il pédale avec plus d’entrain. La vie commence. C’est bien la vie comme ça. Avoir quinze ans et des projets grands comme ça dans la tête !
Non ! Le magasin est encore fermé. Tout est verrouillé. Luc sonne comme hier soir. Personne ne vient lui ouvrir. Il n’y croit pas. C’est impossible !
Assis sur le rebord de la devanture, il attend. Des gens passent qui le regardent, se demandant sans doute ce qu’il fait là. Toutefois, personne ne s’arrête. D’ailleurs que leurs aurait-il dit ? Il serait bien incapable d’expliquer ce qu’il ne comprend pas.
Peu avant vingt-deux heures, une voiture s’arrête là, devant lui. Jeanne en sort.
– Bonsoir Luc, je suis partie depuis ce matin. Je ne pouvais plus supporter cette situation. Un ami m’a réconfortée. Ne me regarde pas comme ça, je n’ai rien fait de mal. En tout cas pas plus que toi. Ton père n’a pas bougé de la journée. Je ne sais même pas s’il mange, s’il boit, ni quand il le fait.
– Et tu penses que je suis responsable de tout ça ?
– Oui, bien sûr. Pourquoi tu vas travailler dehors ?
– Pour gagner un peu d’argent.
– T’en as pas besoin. Après tout ce qu’on a déjà fait pour toi, un fils de boche. Voilà comment tu nous récompenses !
C’est donc là l’évidence. Il est redevable et ne rend pas son dû, il n’a aucun besoin et devrait travailler ici et pas ailleurs. Et c’est comme ça et pas autrement. Sinon ?
Sinon quoi ? Ben sinon, tout ça ! Il ferme sa boîte, se laisse aller jusqu’à… et elle lui présente la facture et va voir ailleurs combien l’herbe est plus verte. Quinze ans, être responsable de tout sans même savoir pourquoi, ni comment. Une chance de ne rien connaître du latin, sinon, il l’aurait perdu à cet instant. Luc se couche donc ce soir-là, sans manger et beaucoup de questions sans réponses.
Mercredi ressemble en tous points à mardi. Il n’a vu son père que de dos depuis dimanche soir et sa mère est à nouveau de retour vers vingt-deux heures.
– Bonsoir Luc.
– Bonsoir M’man. Tu sais j’ai faim.
– Ah bon ! Et bien, mange des tartines. Moi, je n’ai pas envie de m’occuper de toi.
C’est vrai qu’il avait un peu l’habitude qu’on s’occupe de lui. Surtout sa mère.
Ce soir là c’est donc café et tartines, seul dans la salle à manger. Il prend sa décision. Enfin sa décision ! Ce n’est pas vraiment la sienne. Il sent bien que, de toutes façons, on l’y force. C’est comme un chemin inévitable. Il y va tout droit !
Donc le jeudi soir, Luc annonce à sa mère qu’il arrêtera de travailler dehors à la fin de la semaine. La réponse lui fit froid dans le dos.
– Peut-être ne sera-t-il sera pas encore mort à ce moment-là.
– Mais Maman, je dois être correct envers la société qui m’emploie. Déjà que je m’étais engagé pour un mois et que du jour au lendemain….
Elle l’interrompt sèchement.
– Et tes engagements nous concernent, ton père et moi ? Tu nous as demandé notre avis? Tu es un mauvais fils et je regrette bien tout ce qu’on a fait pour toi.
– M’man, c’est pas juste….
– Oui, c’est pas juste. La vie n’est pas juste. Et toi tu n’es qu’un sale petit égoïste.
– M’man, arrête…
– J’arrêterai si je veux. C’est pas toi qui me dira ce que je dois faire ou pas faire. Petit con !
– …..
C’est à n’en pas croire ses oreilles. Condamné, insulté.
Le ton monte. Les mots débordent. Les mains s’agitent, menacent.
Jusqu’au dernier coup !
– J’aurais dû faire à mon idée. J’aurais pas dû l’accepter, ce petit con prétentieux.
– ….
– Et puis, je m’en fous, puisque t’es pas notre fils.
Un silence de mort s’en suit, un silence interminable …..
Puis un cri énorme, glaçant, assourdissant.
– Je l’ai dit ! Lucien vient vite, je lui ai dit. Je lui ai tout dit ! Vite Lucien, viens !
Et elle se met à sangloter dans les bras de son mari, enfin accouru.
Plus rien n’existe qu’eux deux.
Et Luc, à côté. Ballant, brinqueballant.
Gérald Quentin-Acar se présente
Un premier roman qui vous passionnera, j'en suis sûr. Mais voilà, ce qui est sûr n'est pas certain !
Luc est né à Nancy en 1944, six semaines avant le débarquement en Normandie. L'homme est vrai, ses papiers administratifs sont des faux ! Le résultat de la guerre, d'un couple égoïste et manipulateur et d'une administration complaisante. Ce roman est donc la reliaison d’un adolescent et de son nom.
Certes, cette biographie n'est pas facile. Mais pour une fois qu’il est question de dire la vérité. Alors, cessons de mentir, car ce qui est sûr…
Combien de femmes et d’hommes de France ou d'ailleurs ont vécu ou vivent des aventures semblables à la mienne ? C'est d’abord avec eux que je souhaite partager cette histoire. Qu'ils osent tuer les mensonges qui les conditionnent et cherchent leur vérité.
Voilà mon but, mon espoir. Ce qui est devenu le sens de ma vie. Mon histoire personnelle fut très diverse, parfois même approximative. Divorcé puis désormais marié depuis 47 ans avec une femme merveilleuse, trois enfants, cinq petits enfants. Une dizaine de métiers ou de professions, une soif d'apprendre qui ne s’éteint jamais, une écoute intense des autres, une envie de rencontrer les vrais gens, ceux qui réfléchissent et parlent ensuite, ceux qui font ou qui ont fait.
Que m’importent leur accent, leur couleur, leur langue (si je peux comprendre), leur préférence sexuelle, leur religion (s’ils en font une affaire seulement personnelle) dès l'instant où ils parlent vrai !
Je m'arrête. Je suis déjà presque nu ! Et je demande excuse à ceux et celles qui auraient préféré une biographie ordinaire répondant aux critères administratifs entrant dans les cases prévues à cet effet.
Plagiant avec plaisir Jean d’Ormesson, ses bons mots et son sourire malicieux, j’apprécie votre grande qualité littéraire, puisque vous aimerez tous mon livre.
Se le procurer, c’est facile,
Chez votre libraire ou votre Maison de la Presse ou par internet sur le site de l’éditeur EDILIVRE, et également sur AMAZON, FNAC, etc…
2 commentaires
ça donne envie de lire le livre…très belle présentation… bonne soirée et merci pour ta fidélité
merci !