LUNDI BLEU, JOUR NOIR…
SEMAINE 1 :
« Le virus mute, il est dangereux. Je reste chez moi, je sauve des vies ».
Le panneau est énorme, elle ne peut pas le manquer. Et puis, de toute façon, ça fait des semaines qu’on parle de ce virus partout : à la télé, à la radio, dans la presse, sur les réseaux sociaux. Une inondation. Voilà, c’est pire qu’une baignoire qui déborde, pense Clarisse en sortant de la salle de bain.
Elle n’est pas étonnée qu’on en arrive là aussi, en France : à fermer les frontières, et puis les magasins, les restaurants, jusqu’à interdire de sortir de chez soi, à moins d’avoir une bonne excuse, comme faire ses courses ou promener son chien. Et encore, pas plus loin qu’un rayon de cinq-cents mètres autour de sa maison.
« Ça ne va pas être facile », se dit Clarisse.
Pour la première fois, elle regrette : de n’avoir pas loué une maison avec un petit jardin, de n’avoir pas adopté un chien qu’elle aurait plus promené… Au lieu de ça, elle va devoir rester cloîtrée dans son appartement de trente mètres carrés qu’elle a acheté, pour « investir dans la pierre », ainsi qu’on le lui a conseillé, au moment où elle a hérité d’un petit pécule.
Non, ça ne va pas être facile…
SEMAINE 2 :
Ça l’étonne, mais finalement, ce n’est pas si dur ! Il suffit de s’organiser : faire ses courses en une seule fois, un masque vert posé sur le visage, et vite rentrer pour se mettre à l’abri.
« Le virus mute, il est dangereux. Je reste chez moi, je sauve des vies ». Clarisse a soixante ans, elle ne veut pas finir à l’hôpital, intubée, couchée sur le dos, puis sur le ventre, un respirateur la maintenant en vie. Elle reste chez elle, c’est plus sûr, et puis ça ne durera pas si longtemps… quelques semaines, tout au plus.
Elle écoute la radio, allume ensuite la télévision : les images de ces corps entassés dans les hôpitaux la frappent de plein fouet.
Clarisse se lave les mains, applique ensuite un produit antiseptique et se relave les mains, ouvre le frigidaire, essuie la poignée, sort un yaourt, saisit une cuiller et mange avec précaution.
SEMAINE 3 :
Mardi :
Le téléphone sonne. Ça l’étonne que quelqu’un pense à elle, songe à l’appeler. Depuis qu’elle est à la retraite, on ne l’appelle plus. Ses anciennes collègues prenaient de ses nouvelles, au tout début. Et puis, de moins en moins, jusqu’à espacer les contacts.
Clarisse ne connaît pas le numéro qui s’affiche sur l’écran, elle hésite à décrocher. Sa vie défile sous ses yeux en une fraction de seconde, comme ces personnes qui frôlent la mort : elle pense à sa mère décédée, à sa sœur internée, à ce lundi bleu, si lumineux, ce jour où elle a été embauchée par Georges. Au départ de Georges pour les Etats-Unis, tandis qu’elle restait dans la même entreprise de fabrication de cidre normand.
Est-ce que Georges pense encore à elle ? Se pourrait-il qu’il ne l’ait pas oubliée, après toutes ces années ? Se pourrait-il qu’il ait enfin… divorcé ?
Clarisse prononce le mot « divorcé » à voix haute. Georges lui avait interdit de seulement y songer, alors, en parler… oser dire le mot !
Elle pense qu’elle a été idiote de se soumettre à ce diktat, mais elle était si jeune à l’époque ! Et puis, ce n’était pas comme aujourd’hui : Georges pouvait bien la séduire et devenir son amant, quand bien même il avait été son chef de service durant de longues années…
Si c’était lui… ?
Au moment où Clarisse décroche, la sonnerie se tait.
Elle se dit qu’elle rappellera.
À suivre
8 commentaires
on ferme les frontières au européens ….pas aux migrants qui arrivent toujours par bateau… Ca on ne vous le dis pas !
@+
Tu crois ?
c’ est là qu’on regrette d’avoir tergiversé
c’est certain
J’attends…
la suite ?
J’aime beaucoup votre blog. Un plaisir de venir flâner sur vos pages. Une belle découverte et un blog très intéressant. Je reviendrai m’y poser. N’hésitez pas à visiter mon univers (lien sur pseudo) Au plaisir.
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