L’été touche à sa fin… Pour entrer dans la nouvelle saison, voici un conte d’automne signé Solange Schneider pseudo Zalma « Tout l'or des nuits ».

Tout l'or des nuits
Depuis la nuit des temps, les vignes couvraient les collines de Scherwiller. C’est du moins ce que croyait le petit *Hans, qui était né et avait grandi dans ce village d’Alsace, courant parmi les grappes qui changeaient de couleur, jusqu’à devenir rouges, à l’automne… Venait alors le temps des vendanges, des rires et des chants, du vin doux et ambré.
Oui, c’était bien ce que croyait le petit Hans, ce qu’on lui avait raconté lorsqu’il avait posé la question, alors qu’il n’avait que trois ans : « Les vignes ? Bah… elles sont là depuis toujours ! », avait répondu sa grand-mère en tournant la soupe épaisse d’un geste ample.
Mais ce qui était plus mystérieux, c’était la phrase qu’avait prononcée sa maîtresse d’école, quelques années plus tard, par un jour de printemps tout vert : « Les vignes nous protègent… et si un soir, la lune apparaît dans le ciel tel un disque magique, il se pourrait que les vignes réalisent notre vœu le plus cher ! ». Baissant un peu sa voix, elle avait ajouté : « ça n’arrive qu’une fois par an ! On appelle ce phénomène « l’or des nuits »… ».
Cela avait laissé songeur le petit Hans. Il n’avait, dès lors, cessé de penser au vœu qui lui tenait le plus à cœur : se marier avec Marguerite, plus tard, quand il serait grand… Oui, la jolie petite fille dont les tresses blondes et longues tombaient jusqu’au bas du dos. Mais Marguerite n’était pas souvent là, « à cause de ses opérations », avait expliqué la maîtresse d’école. Et lorsqu’elle revenait en classe, il fallait pousser son fauteuil aux roues énormes.
Hans ne savait même pas de quelle maladie souffrait Marguerite. Il avait juste entendu le mot « orpheline », et il s’en étonnait, puisque les parents de Marguerite habitaient le village et s’occupaient très bien d’elle.
En tous cas, une chose était sûre : le petit Hans espérait de tout son cœur que Marguerite serait guérie le jour de leur mariage, et surtout, qu’elle veuille bien l’épouser !
En attendant cet heureux jour, il fallait prendre patience…
Alors, en ce soir d’automne, malgré la fraîcheur, Hans se promena longuement. Au bout d’un moment, fatigué, il s’assit au bord de l’eau, tout près des vignes, et compta sur ses doigts : il lui faudrait attendre douze ans. Oui, douze longues années avant de pouvoir se marier ! Marguerite et lui auraient alors vingt ans, elle porterait une magnifique robe blanche…
Soudain, la lune apparut dans le ciel violet, interrompant de sa lumière son rêve éveillé. Hans leva ses yeux ébahis et, tout ému, il contempla un spectacle rare : l’énorme disque se mit à transformer les grappes de raisin en or pur, et l’or tomba dans l’eau, formant des ombres tremblantes venant s’y refléter. « C’est l’or des nuits ! », pensa-t-il aussitôt ! C’était donc ça, cet étrange phénomène dont avait parlé sa maîtresse d’école…
Alors, du plus profond de son cœur, Hans sortit son vœu qu’il murmura dans la nuit magique, sans savoir si la lune l’avait entendu ou s’il s’était perdu dans les étoiles…
Bien des années plus tard, par un beau jour d’été, les cloches de la petite église du village de Scherwiller se mirent à sonner à toute volée. Hans sursauta en frissonnant, non pas qu’il fut surpris, mais parce qu’en contemplant Marguerite, devenue en ce jour son épouse, il repensa avec émotion à cette nuit magique, à son vœu, à « l’or des nuits »…
Bientôt, il y aurait les vendanges : la vigne produirait un vin superbe et doré. Et même si Marguerite ne pourrait pas récolter les grappes, à cause de son fauteuil, ce serait elle qui, comme l’an dernier, collerait les étiquettes sur les bouteilles de ce vin miraculeux, dont la renommée dépassait désormais le pays : « cru exceptionnel, vendanges tardives, domaine de Hans et Marguerite ».
*Hans est le diminutif du prénom Johanne

8 commentaires
j’adore cette histoire
Elle est très belle
J’aime beaucoup ce conte…comme quoi il ne faut jamais désespéré.
même avis que toi.
En voici un bien joli conte, j’aime beaucoup
Merci Maud
J’adore me promener dans les vignes, cette année encore je fais les vendanges, très chouette ce conte
Très sympa que tu fasses les vendanges, tu repenseras certainement à cette belle histoire.