Tous les mercredis, Yves Carchon, écrivain, nous ouvre son univers littéraire, en nous offrant le plaisir de la lecture d'une nouvelle ou d'une micro-fiction.
Je vous connais
Je vous connais, mais d'où ? (Silence prolongé).
Trouville, La Baule, Le Touquet… Roscoff, peut-être… Oui, de ce côté-là plutôt… C’est ça ? (Un hochement de tête semble le confirmer).
Nous y voilà : Roscoff !
Mais oui !
Vous y flânez parfois sur la plage déserte, dès l’aube ou quand le ciel se morfond dans un ultime coucher de soleil, coucher que vous captez pour notre bon plaisir… (Léger sourire, qui semble témoigner que j’ai frappé à la bonne porte).
Je reprends donc : — Oh, il faut voir sur vos photos cette langueur qui emplit l’horizon ! Ces ciels ne sont qu’à vous ! (Peut-être en fais-je trop ?). Les goélands, oiseaux baudelairiens (et je ne confonds pas avec les albatros) sont vos compagnons matinaux… (Là, vous riez franchement).
— Pardon ? Comment vous ai-je reconnu ? Votre appareil que vous portez en bandoulière ! Mais oui, c'est ça ! C'est bien votre appareil photo qui m'a ouvert les yeux !
Attendez, non, ce n’est pas l'appareil… Plutôt votre œil, celui qui scrute l'objectif, celui qui rit aussi. Si, si, il rit, chacun vous le dira. Il pétille même d’intelligence. Mais oui !
Cet œil sans qui nous n’aurions pas ces magnifiques photos que vous offrez à qui le veut… (Silence très court)
Je vous connais ! Roscoff !
J'en suis sûr maintenant !
Les bateaux dans le port cernent sur vos photos des morceaux de ciel bleu. Et l’infini des plages, et l’eau du port, miroir de nos errances.
En fait, pour tout vous dire, c’est ce chapeau que vous portez qui vous aura trahi, ou cette tenue qui n’appartient qu’à vous, que je qualifierais de tenue de « petit reporter des ports »
Ne voyez là nulle moquerie, ni aucune ironie : je suis un reporter aussi ! Oh, pour ce qui me concerne, ce sont de pauvres mots que sortent mes images !
Mes ciels n’ont pas l’intensité des vôtres, ni leurs couleurs. Et mes plages n’évoquent que la fugacité de lignes de fuite.
Qu’importe ! Je vous connais !
Vous arpentez Roscoff et traquez l’existence. Vous dénichez ces frêles moments de vie qu’on n’aperçoit jamais, que vous êtes seule à nous montrer.
Si j’osais, et tout en repensant à votre album de photos, je vous couronnerais du seul prénom qui me vienne à l’esprit et qui, je sais, peut paraître suranné pour quelqu’un d’aussi vif que vous : le prénom d’Albertine.
Une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son dernier polar « Le sanctuaire des destins oubliés »
6 commentaires
je connais plutôt Portofino, San Remo, Rapallo, Camogli…..
C’est bien aussi
Le monde est petit !
Très petit
Un grand bravo à Yves pour cette nouvelle qui me fait retrouver Roscoff , les ciels si poétiques de Bretagne et ce regard tellement particulier du photographe. J’aime beaucoup les images que nous proposent Yves par le biais de ses mots, qui sont bien loin d’être pauvres.
Bonne journée
Yves sait aussi nous faire voyager.