Allegra Felice et Sahi sont encore enfants lorsqu’ils adoptent chacun un chiot né dans la ferme familiale. Ce sera Mère, pour elle ; Bandit, pour lui.
En grandissant, les jeunes revendiquent leur place dans une société à la violence intrinsèque. Allegra Felice pourra-t-elle y échapper ?
Un texte brut, sincère, puissant. Une réalité tout aussi dure.
La Chienne-Mère
Dans La Chienne-Mère, le deuxième roman de l'auteure genevoise Simona Brunel-Ferrarelli, c'est Allegra Felice qui parle. Les lecteurs la découvrent alors qu'elle est encore dans le ventre de sa mère, comprennent la brutalité qui a entouré sa conception, et celle du monde dans lequel elle va naître.
Au fil des pages, l'auteure explore les rapports manqués entre mère et fille, les violences familiales et sociales… Il y a aussi l'adoption de Mère, cette chienne dont le sentiment maternel sera un exemple de dignité.
Autant de problématiques qui font écho avec les sujets de société émaillant régulièrement l'actualité, donnés à voir "de l'intérieur" et traités avec une plume incisive, précise, et d'une rare intensité.
Sortie le 20 août 2021
Extrait
"Je suis née brute, vorace, prête avant l’heure pour le combat.
Ma mère, apprenant sa grossesse, avait décidé qu’elle ne survivrait pas à l’accouchement. Des générations de mères avant elle avaient tremblé pour moins que ça, une indisposition de rien du tout, trois fois rien d’égratignure. C’était une indéfectible marque de fabrique que de n’être bonnes à rien, chez nous.
Elle avait donc disposé de l’avenir en quelques mots, griffonnés sur un torchon, comme chaque fois qu’elle allait chez le médecin, certaine de ne pas en revenir.
Entre l’enfant et moi, sauvez l’enfant.
Mon père se consolerait, pensait-elle. Ne le faisait-il pas déjà ?
Lui se torturait pour autre chose. Une autre bouche à nourrir. Et, dans ces ceintures de ville où l’existence est rude, une bouche, c’est un gouffre. Comment c’est arrivé ? Cette question les tortura longtemps. À notre âge.
Pendant tout le temps de l’attente longue, je les entendis rugir depuis ma cage ventrue.
Cet enfant naîtra difficilement. Il faut que je mange peu, afin qu’il ne soit pas aussi gros que les autres, sinon il me tuera.
Tu t’inquiètes pour rien, marmonnait le père entre deux tassées de soupe. Laisse Dieu faire son travail.
Dieu dort, pensait ma mère, qui avait perdu la foi.
Quant à moi, je n’étais alors qu’un cœur minuscule battant dans des eaux grises. Mais je devinais déjà, dans toutes ces rebuffades, qu’un rien pourrait avoir raison de moi et que, pour me protéger de ces insanités, je devais faire quelque chose d’important, manifester mon enthousiasme, encourager ces deux-là à m’accueillir dignement.
Mais je n’existais pas. Pas encore."
Simona Brunel-Ferrarelli
Simona Brunel-Ferrarelli est née à Rome en 1965. Arrivée à Genève en 1974, elle étudie les Lettres, puis enseigne la littérature française dans différentes écoles privées.
Passionnée par l'écriture et le théâtre, elle écrit abondamment sans jamais songer à être éditée. À la mort de sa mère, en 2016, elle signe Les Battantes (Encre fraîche, 2019), avec lequel elle fait une entrée remarquée sur la scène littéraire romande. Elle a reçu pour ce premier roman le prix SPG (prix de la Société Genevoise des écrivains) et a été finaliste de nombreux autres prix.
8 commentaires
L’auteure doit etre sacrement perturbé quand meme !
pourquoi ?
toutes les naissances ne sont pas forcément désirées !
c’est vrai
Un livre qui semble dur d’après l’extrait mais, si vrai pour certaine..
oui…
voilà un livre en effet fort, je le lirai pas , préférant des choses positives, même si je suis sensible aux autres, j’avoue ne pas avoir envie plus jamais d’ailleurs de choses négatives ou terribles, bises
je te comprends