De manière très originale, Éliette Abécassis propose de réenchanter notre époque en mal d’aimer et de retrouver la force du sentiment en suivant les pas des héros et des héroïnes des films et des romans où l’amour est plus fort que tout. Et si réinventer l’amour était nécessaire à notre survie en tant qu’êtres humains ?
De l’âme sœur à Tinder : et si les réseaux sociaux nous empêchaient d’aimer ?
Que reste-t-il de nos amours ?
Il y a peu de temps encore l’amour était un absolu, un idéal. Et nous pensions qu’il n’était possible d’être totalement heureux qu’en rencontrant son âme sœur.
Mais qu’en est-il de l’amour à l’heure du grand marché des sentiments qui se développe au gré des algorithmes ?
De l’amour fou, serait-on passé au désamour ?
Extrait
« De l’âme sœur à Tinder : c’est le même fil qui nous guide dans cette recherche infinie de cette moitié qui ne nous correspond peut-être pas, mais sans laquelle nous ne sommes pas tout à fait nous.
Sinon, nous ne serions pas aussi déçus à chaque rencontre ratée, à chaque ghosting, ni aussi fous de bonheur à chaque réponse, chaque SMS, et prêts pour un nouveau rendez-vous.
En demandant à des jeunes adolescents quel était leur film de référence sur l’amour, ils me citent souvent N’oublie jamais de Nick Cassavetes (The Notebook, en anglais). Dans ce long-métrage, un vieil homme raconte à sa femme devenue amnésique l’histoire de leur rencontre, de leur amour, de leur mariage. Elle a tout oublié, ne reconnaît plus ni mari ni enfant.
Et elle ne se souvient plus de cette passion qui a triomphé de toutes les épreuves, séparations et manigances, et que l’on découvre dans un flashback où il lui raconte leur histoire comme si c’était une autre afin qu’elle se souvienne de lui et d’eux.
Je ne suis pas étonnée de constater que ce film est souvent cité. Les adolescents sont émus aux larmes lorsqu’ils voient les anciens s’aimer. Et s’aimer longtemps : ils privilégient l’amour qui dure à la passion.
Quand ils voient ces couples, il leur semble alors que l’amour existe. Le thème du film est significatif de notre époque : nous avons oublié l’amour. Et si on nous le narre par une histoire, nous nous en souviendrons toujours. C’est la raison pour laquelle nous ne devons jamais oublier de le raconter et d’en faire le récit.
Nous n’avons pas besoin d’autres héros ni de super-héros, nous en avons trop. Mais nous nous nourrirons des récits de l’amour, et en les inventant nous renaîtrons. Car l’amour est inséparable des histoires d’amour.
Dans le mythe de l’androgyne, tout commence par une réminiscence, c’est-à-dire un conte, une belle rencontre. Même s’il est obsolète, retenons-en une chose : c’est la mémoire qui nous guide vers l’autre moitié, par un rappel de ce que nous fûmes.
C’est aussi elle qui sauvera l’amour. Retrouver le symbolique, le poétique, l’imaginaire dans notre société technologique, c’est plus qu’une nécessité : réenchanter l’amour est nécessaire à notre survie en tant qu’êtres humains. »
Eliette Abécassis
Normalienne, agrégée de philosophie, Éliette Abécassis alterne romans intimistes (La Répudiée, Un heureux événement, Une affaire conjugale), grands romans historiques (Qumran, Le Trésor du Temple, Sépharade) et essais (Petite métaphysique du meurtre, Le Livre des Passeurs, L’envie d’y croire).
4 commentaires
les réseaux sociaux ont aussi été à la base d’ unions
C’est exact
Bonjour Bernie. Tu m’as donné envie de lire cet essai sur l’amour
C’est une belle lecture