Quel peut-être le lien entre des chanteuses de la Renaissance italienne et des femmes Tukano d’Amazonie ? Un livre signé Stephen Hugh-Jones.
Femmes indisciplinées -Le corps-tube, de la Renaissance italienne à l’Amazonie
Stephen Hugh-Jones nous propose une comparaison unique entre mythologie amazonienne et Europe de la Renaissance. Cet ouvrage est un regard original sur la construction des genres, sur la philosophie du corps, afin de mieux comprendre nos propres préjugés.
Avec des illustrations très riches, voici un petit format à l’écriture agréable, sans jargon technique.
Notre conception du corps humain et des genres n’est pas inscrite dans la nature, mais possède une histoire. À travers un parallèle original entre deux récits de transgression, S. Hugh-Jones nous donne à réfléchir à nos propres préjugés.
• Chez les Tukano d’Amazonie, un mythe raconte qu’un jour, les femmes ont volé des flûtes réservées à des rites secrets d’initiation masculine, renversant ainsi l’ordre des genres : désormais, c’étaient les hommes qui assuraient la culture le manioc, avaient leurs règles, etc. Le « retour à l’ordre » fut féroce, punissant les femmes qui avaient voulu percer le secret des hommes.
Depuis cette transgression originelle, aucune femme dans les tribus d’Amazonie n’a le droit de jouer de la musique ou même, chez certains, de regarder une flûte ou de siffler.
• Plus près de nous, dans l’Europe de la Renaissance, on trouve d’autres femmes sortant du rôle qui leur était assigné. Suivant la philosophie du corps héritée de Galien, l’haleine était considérée une substance chaude, « masculine ».
Pour cette raison, le chant était réservé aux hommes et c’est donc à une transgression similaire que se prêtèrent les cantatrices de Monteverdi.
En effet, « les chanteuses étaient considérées comme des êtres sexuellement novateurs, transgressifs et indisciplinés qui usurpaient la fonction de chanter normalement attribuée à la gent masculine. »
À travers une étude serrée de ces « femmes indisciplinées », Hugh-Jones montre que la conception du corps dans les mythologies du nord-ouest de l’Amazonie et dans l’Europe de la Renaissance sont plus proches qu’on ne voudrait le croire.
À l’inverse, dans notre modernité occidentale, « le corps de l’anatomie et de la physiologie populaires a été obscurci par l’enrobage scientifique et religieux exercé par la pensée moderne, le comportement policé et les prescriptions morales, enrobage qui éclipse les fonctions corporelles et le comportement sexuel. »
« Certains d’entre vous trouveront peut-être cette ethnographie amazonienne quelque peu étrange et ces parallèles européens un peu farfelus. Je répondrai que ni l’ethnographie ni les parallèles ne sont aussi exotiques qu’ils le paraissent à première vue. »
Stephen Hugh-Jones
Stephen Hugh-Jones, l’auteur
Stephen Hugh-Jones est né dans le Dorset en Angleterre.
Après une enfance en Jamaïque, il étudie l’anthropologie avec Edmund Leach à l’université de Cambridge où se déroule sa carrière. Il a travaillé près d’un demi-siècle avec les peuples indigènes de l’Amazonie du nord-ouest dont il est l’un des plus grands spécialistes. Ses recherches touchent à plusieurs domaines, incluant les rituels, la mythologie, l’architecture, la parenté, la culture matérielle et les relations avec l’environnement.