L’Histoire regorge de figures féminines courageuses qui ont laissé une empreinte indélébile, bien que souvent ignorées ou oubliées. C’est le cas de Claude Cahun et Suzanne Malherbe, les héroïnes du roman historique Les Francs-tireuses d’Emmanuelle Hutin. Cet ouvrage est une plongée fascinante dans la vie de deux femmes artistes, résistantes et visionnaires, dont les actions pendant l’Occupation allemande sur l’île de Jersey forcent l’admiration. Ce livre permet, à la lumière de leur histoire, de réfléchir sur des enjeux contemporains tout en rendant hommage à leur combat oublié.
Une rencontre marquante avec Claude Cahun
En découvrant un autoportrait de Claude Cahun au Centre Pompidou, Emmanuelle Hutin a trouvé l’inspiration pour écrire Les Francs-tireuses. Cette artiste, connue dans les cercles de l’avant-garde parisienne, était à la fois photographe et écrivaine, une personnalité complexe et audacieuse. Mais Claude Cahun ne se résume pas à son art ; elle incarne une résistante téméraire aux côtés de sa compagne Suzanne Malherbe. Ensemble, elles ont défié l’occupant nazi avec une originalité et une force d’esprit incomparables.
Le roman s’attarde particulièrement sur cette période méconnue de la vie des deux femmes, lorsqu’elles se sont installées sur l’île Anglo-Normande de Jersey en 1938. C’est là, loin des milieux artistiques parisiens qu’elles avaient fréquentés, qu’elles vont embrasser pleinement leur rôle de résistantes.
La résistance par l’art et la poésie
Pendant l’occupation allemande de Jersey, de 1941 à 1944, Claude Cahun et Suzanne Malherbe ont adopté une forme de résistance peu conventionnelle : une contre-propagande poétique. Refusant de se soumettre à l’occupant, elles ont distribué des tracts et des messages incitant les soldats allemands à la désobéissance, signés du mystérieux pseudonyme « Le soldat sans nom ». Leur approche était subtile, mais percutante, jouant sur la psychologie et la désillusion des soldats ennemis.
Emmanuelle Hutin relate cette lutte pacifique, faite de papiers et de mots, mais aussi de courage. Ces femmes, artistes, bourgeoises et âgées d’une cinquantaine d’années, ne semblent pas, de prime abord, correspondre à l’image typique des résistantes. Pourtant, elles ont agi avec une détermination inébranlable, prouvant que le combat pour la liberté dépasse les apparences. Cette « résistance de l’esprit » est au cœur du récit d’Emmanuelle Hutin, un hommage vibrant à ces femmes qui ont osé défier l’oppresseur, non par la violence, mais par la pensée et la créativité.
Une période historique peu explorée
L’une des grandes forces du roman Les Francs-tireuses réside dans la minutieuse recherche historique d’Emmanuelle Hutin. L’auteure s’attache à dépeindre avec justesse la réalité de la vie sous l’Occupation sur l’île de Jersey, une page d’histoire souvent négligée. En se fondant sur les récits personnels de Claude Cahun et Suzanne Malherbe, elle parvient à retracer non seulement leur quotidien, mais aussi l’atmosphère oppressante de l’époque.
Jersey, occupée par les troupes allemandes, devient un terrain d’expérimentation pour ces deux artistes-résistantes. Le récit explore la manière dont elles ont intégré la Grande Histoire par des actions individuelles et profondément humaines. La précision des détails et la rigueur documentaire de l’autrice ajoutent une dimension réaliste qui renforce l’émotion du lecteur.
Un hommage à des femmes invisibilisées
Si Claude Cahun est aujourd’hui une figure de l’avant-garde artistique, son rôle dans la Résistance reste encore largement méconnu. Avec Suzanne Malherbe, elles ont été des pionnières non seulement dans le domaine de l’art, mais aussi dans la lutte pour la liberté. Pourtant, comme tant d’autres femmes, leur contribution a été longtemps effacée ou sous-estimée par l’Histoire.
Les Francs-tireuses ne se contente pas de restituer leur parcours, mais fait revivre leur engagement féministe, leur volonté farouche de se battre pour des valeurs universelles telles que la fraternité et la liberté. Le roman s’inscrit dans une démarche plus large de réhabilitation de ces femmes invisibilisées, ces « oubliées de l’Histoire », dont l’héritage est cependant fondamental pour comprendre les luttes passées et présentes.
Une réflexion sur la lutte et le courage
À travers l’histoire de Claude Cahun et Suzanne Malherbe, Les Francs-tireuses nous amène à réfléchir sur les multiples formes que peut prendre la résistance. Dans un monde où les conflits armés dominent souvent les récits historiques, Emmanuelle Hutin nous rappelle que la lutte pour la liberté peut être pacifique, mais non moins héroïque.
Le courage de ces deux femmes, leur audace, leur capacité à défier un régime oppresseur par la force de leurs convictions et de leur art, résonne profondément avec les luttes contemporaines pour la liberté d’expression et les droits humains. Cette lecture a une portée universelle et intemporelle, qui invite à reconsidérer ce que signifie résister.
Les Francs-tireuses, des femmes aux combats d’exception
À travers ce roman, Emmanuelle Hutin rend un hommage vibrant à Claude Cahun et Suzanne Malherbe, deux femmes qui, par leur originalité et leur ténacité, ont marqué l’Histoire de la Résistance. Si leur contribution a longtemps été ignorée, Les Francs-tireuses permet de redonner à ces héroïnes oubliées la place qu’elles méritent dans notre mémoire collective.
Le parcours de ces deux artistes-résistantes nous rappelle que la lutte pour la liberté n’a pas de visage unique. Elle peut se faire par les mots, par l’art, par des gestes quotidiens qui, mis bout à bout, contribuent à façonner un monde plus juste et plus humain. En refermant ce livre, vous ne pourrez qu’admirer leur bravoure, tout en vous questionnant sur la façon dont chacun peut, à son niveau, être un acteur du changement.
Vous avez lu Les Francs-tireuses ou souhaitez en discuter davantage ? Partagez vos impressions en commentaire, et échangeons ensemble sur l’héritage de ces résistantes extraordinaires.
Titre : Les Francs-tireuses
Autrice : Emmanuelle Hutin
Nombre de pages : 240 pages
Date de parution : 6 septembre 2024
Editeur : éditions Anne Carrière
ISBN : 9782380823325
4 commentaires
justement, dans mon article des oeillets Michelina Di Cesare, Francesca La Gamba, Marianna Oliverio, Filomena Pennacchio ne sont pas des noms inventés mais bien des héroïnes siciliennes .
Intéressant.
J’ai l’impression que beaucoup de titres sortent en ce moment sur le Seconde Guerre Mondiale, sûrement dû au fait de l’anniversaire des 80 ans de la Libération, et que ce passé s’éloigne de plus en plus de nous et qu’il ne faut pas oublier.
Effectivement, c’est peut-être une explication.