Dans le placard de la belle Histoire, les tasses font tache. Ainsi l’ouvrage de Marc Martin s’inscrit en marge de la mémoire convenue et sort de l’ombre des tranches de vie centenaires.
Les Tasses – Toilettes publiques – Affaires privées
Livre de l’exposition
Les tasses, dans l’argot du siècle dernier, c’étaient les vespasiennes. Érigées dans l’espace public à l’heure de l’hygiénisme, les vespasiennes devaient répondre aux besoins naturels de la population masculine.
En privé, les tasses abriteront les rencontres des hommes aux penchants condamnés par la loi.
Des archives de la police à la plume de Verlaine et Rimbaud, Marc Martin révèle l’empreinte d’un endroit de liberté en milieu hostile à l’homosexualité. Inaugurée l’an dernier au Schwules Museum de Berlin, l’exposition a été prolongée en raison de son succès.
Paradoxalement, à Paris, aujourd’hui, aucune institution classique n’a souhaité mettre le sujet en lumière. Marc Martin publie donc son ouvrage indépendamment et présente son travail au Point Ephémère, ancienne friche industrielle qui porte en elle les cultures alternatives.
Au politiquement correct, le photographe préfère l’humainement exact : « Nos anciens ont peu témoigné de ce mode de rencontre considéré comme déshonorant. En libérant la parole d’une génération d’hommes stigmatisés, j’ai voulu rendre à ces édicules du passé leur part troublante de sensualité. Et aux hommes qui les fréquentaient, un peu d’estime… »
Pour exposer ce qui semble indigne de l’être, l’artiste s’est entouré d’historiens (Florence Tamagne, Gerard Koskovich…), chercheurs (Régis Schlagdenhauffen, Rudi Bleys…) auteurs (Sophie Danger, Christophe Bier, Didier Roth-Bettoni…) dessinateurs (Ralf König…), réalisateurs (Bruce LaBruce…), critiques d’art (Claude Hubert Tatot…), sociologues (Michael Bochow…) etc.
Ensemble, ils décryptent 200 ans d’histoire cachée et retracent le parcours épique des vespasiennes de Paris.
Au-delà des histoires de mœurs, on découvre qu’elles furent un lieu d’échange et de rendez-vous pendant la Résistance. Qu’elles se sont immiscées dans l’affaire Dreyfus ! Qu’elles ont permis aux féministes de faire entendre leurs premières revendications…
« Les tasses, toilettes publiques – affaires privées » explore la question de l’altérité dans la ville. Marc Martin ouvre des perspectives inattendues : l’épanouissement identitaire en résonance avec l’émancipation collective.
Marc Martin
Marc Martin (*1971) vit et travaille entre Paris et Berlin.
Le photographe explore les fantômes urbains et leur interaction avec l’imaginaire érotique. Ses photos se réclament d’une liberté d’expression et prônent la visibilité de la sexualité dans toute sa diversité. L’artiste ne s’est donc pas penché sur les vespasiennes de manière anodine.
Son regard plastique croise les époques. Il ne se contente pas de clichés sur les dernières reliques comme autant de vestiges du passé. Il met en lumière le caractère convivial d’un édifice public où les hommes avaient posé les premières pierres du vivre ensemble.
Marc Martin rappelle également que dans certains pays, aujourd’hui encore, l’homosexualité se vit exclusivement dans le placard. Les pissotières, dans ces pays-là, poursuivent leur rôle de médiation.
8 commentaires
J’ai toujours détesté ce mot d’argot désignant les toilettes publiques.
Une réputation bien connue pour ces urinoirs, d’autant que forcément, les femmes n’y entraient pas.
Je me souviens aussi de l’odeur pestilentielle quand on passait à côté.
Bonne journée
Tu parles du mot « vespasienne » ? Ce n’est pas un mot d’argot, la vespasienne doit son nom à l’empereur romain Vespasien (il s’agit donc d’un éponyme), à qui l’on avait attribué, mais à tort, l’établissement d’urinoirs publics à Rome.
Je te remercie pour ta sollicitude à faire ma culture générale, mais je connais les vespasiennes et l’origine de leur nom 😉
Non, je parle de l’expression « les tasses » qui est argotique et qui est le titre de cet ouvrage dont tu parles.
Désolé ce n’était pas clair pour moi dans ton commentaire, les tasses font effectivement partie de l’argot parisien.
c’est pas du service en porcelaine….
@+
pas tout à fait…
Ces messieurs ont toujours eu « pignon sur rue ». Mais diable que cela sentait mauvais ! En tout cas, il n’y a pas que la grande Histoire, il y a aussi les petites affaires :o)
c’est tout à fait cela