En ce beau mois d'avril, voici une nouvelle fantastique en accord avec la saison puisqu'il s'agit d'un extrait de la nouvelle « Une saison en enfer », du recueil « Chemins étranges » : nous sommes bien au printemps, en ce mois d’avril si capricieux et jusque-là, tout va bien…
Sauf quand les choses commencent à se détraquer sérieusement ! Pour savoir jusqu’où les choses vont aller de travers, il faudra bien sûr lire la nouvelle jusqu’au bout (on trouve facilement le recueil "Chemins étranges"
Une saison en enfer
Une lumière pâle traverse les persiennes, force un peu le passage, infiltre mes paupières. J’ai l’impression qu’elle imprègne mon corps alourdi d’alcool et de pensées tristes, que le jour absorbe ma nuit pénible. J’ouvre les yeux avec difficulté : que me reste-t-il de Maria ? Elle a tout emporté, hier : ses petits flacons parfumés, ses tubes de rouge qui coloraient ses lèvres aussi jolies que des pétales de fleurs… ses robes légères au goût de printemps, jusqu’à son odeur sucrée qui semble s’être évaporée.
Je me dirige vers la cuisine en désordre, tends mon bras douloureux vers l’étagère pour attraper un paquet doré ; au fond, un reste de café. L’eau chaude et transparente coule, se transforme en liquide brun au goût âcre, et je tente de rassembler mes souvenirs, des bribes. Tout est si confus : un conflit à propos d’un sujet sans intérêt, et puis des cris, ma voix qui gronde et s’amplifie, la terreur de Maria, et je sais que je n’aurais pas dû… ces reproches continus, toujours les mêmes, et Maria qui s’enfuit dans la nuit, une nuit épaisse et cette phrase, ses derniers mots qui claquent dans le silence soudain, juste avant son départ : « Ton petit monde étriqué et tes idées fermées ! »
(…)
Le flou se dissipe et je la revois soudain de façon très précise, cette scène, affreuse dans tous ses détails : Maria me reprochait pour la centième fois mes idées fermées, si étriquées, je ne sais même plus pour quelle raison exacte… mais je sais que j’ai empoigné brusquement un long couteau, et je l’ai menacée en hurlant : « Et toi, ton monde est déréglé, tu vis dans un univers détraqué ! »
J’ai ajouté qu’elle était folle, oui, folle à lier, et que parfois les fous, on les éliminait. J’ai vu la peur dans son regard, un effroi indicible, alors j’ai reposé la lame en acier sur la table de la cuisine. J’ai voulu m’excuser, mais il était trop tard.
À présent, je suis seul, et quelque chose me semble étrange parce qu’il n’est que quinze heures, et on dirait que la nuit tombe. Je siffle entre mes dents : « Fichu mois d’avril ! » Le printemps… c’est une saison que je n’aime pas : on ne sait jamais à quel moment le ciel se couvre pour exploser en un orage soudain. Et puis, quelques minutes plus tard s’infiltre le soleil, entre les gouttes d’eau fraîche suspendues dans l’air froid. Un arc-en-ciel apparaît et on dirait que c’est l’été, mais tout est faux car le ciel n’est qu’un bleu glacé. C’est un climat détraqué…
***
Le temps a passé vite : la grande pendule murale indique qu’il est déjà dix-sept heures, et je pense sans cesse à Maria, aux reproches insensés que je ne cessais de déverser sur ses fragiles épaules, à ce couteau que j’ai brandi et qui l’a effrayée.
Je quitte la banque, me dirige vers ma voiture et remarque le ciel, comme strié de vert, comme la Mer du Nord où nous passions nos étés… Je démarre mais l’accélérateur ne répond pas, j’essaye le frein à tout hasard, constate que les pédales sont inversées ou que je me suis trompé, mais c’est curieux, tout de même…
Je roule prudemment, accélère au lieu de freiner, freine au lieu d’accélérer, me dis que ma voiture est déréglée…
Le petit mot de l'auteur :
Cela dit, il y a déjà de quoi commencer à sérieusement frissonner, et croyez-moi, chers lecteurs, je vous conseille de réfléchir à deux fois, avant de vous disputer avec votre conjoint… parce que les conséquences peuvent être sévères, parce que vous pourriez peut-être détraquer tout l’univers, sait-on jamais ?
Excellente lecture !
Une nouvelle signée Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteur de « Chemins étranges » et « Points de fuite »
4 commentaires
On rigole mieux en enfer, c’est moins triste….
Tu crois ?
ah voilà, la vengeance est en route
va-t-elle s’arrêter…