Tous les mercredis, Yves Carchon, écrivain, nous ouvre son univers littéraire, en nous offrant le plaisir de la lecture d'une nouvelle ou d'une micro-fiction.

Jolie tante
Ma femme ne me parlait jamais de sa proche ou lointaine famille. Bien avant qu’on ne se rencontre, elle avait comme on dit rompu les ponts avec elle.
De mon côté, je n’étais pas fana de ma propre tribu. Je m’étais dit aussi que pour devenir soi, il faut un jour ou l’autre s’extirper du cocon et prendre très vite les jambes à son cou. Dont acte.
Bref, nous vivions tous deux loin des uns et des autres, et dans un coin perdu de notre magnifique Auvergne. Quand je dis magnifique, je sais ce que je dis. C’est dur l’hiver avec la neige, mais la nature est là, présente, nous rappelant combien nous sommes mortels.
Donc, mon épouse et moi étions coupés de tout, vivant dans la proximité de quelques fermes disséminées ici ou là…
Aussi, quand mon épouse m’annonça l’arrivée par le train d’une tante éloignée, fus-je franchement surpris. Et bien sûr très curieux de connaître cette dame, me convaincant qu’elle viendrait dérégler notre vie monotone pour le plus grand bonheur de tout le monde.
Je me trompais.
Quand j’allai la chercher à la gare, une femme superbe m’attendait. La quarantaine récente, des yeux très, très brillants et un sourire qui promettait de belles choses.
« Je ne pensais pas rencontrer un aussi beau garçon » déclara-t-elle en me serrant la main.
« Ni moi, une aussi jolie tante ! » lui répondis-je.
On se comprit.
Durant tout le voyage, elle me fit clairement comprendre qu’elle vivait seule et qu’elle était une femme libre. Parfait, me dis-je, voilà au moins une dame qui ne s’embarrasse pas d’hypocrisie !
L’ennui, c’est que ses quelques jours passés chez nous furent pour moi un enfer. Mon épouse, s’étant rendue compte du manège, écourta son séjour. C’est elle qui prit le soin de la raccompagner, craignant sans doute que je finisse par succomber.
A raison, et j’en remercie mille fois la compagne de mes jours.
Que serais-je devenu ?
Je crois savoir que la trop jolie tante m’aurait mangé tout cru !

Une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son dernier polar « Le sanctuaire des destins oubliés »
6 commentaires
En fait, meme le train ………
Mais qui était dans le train ?
et zut !!!
pourquoi ?
Je me souviens d’une expression en lisant ce texte…tant que ça reste dans la famille…..MDR
une expression que j’ai aussi entendue