Voici une nouvelle en forme d’hommage, car nous avons tous, un jour ou l’autre, connu la même chose, ce chagrin qui nous pique quand l’autre s’en va, à petits pas…
Et même si on se dit que le grand âge était là, le chagrin continue à piquer nos cœurs.

Elle est partie…
En même temps que les premières feuilles d’automne qui débordent de couleurs et de vie, elle est partie. Toute petite et toute frêle, ses blancs cheveux n’ont pas eu la patience d’attendre que les blancs flocons viennent s’y mêler, dans l’air froid.
Elle est partie avant tout ça, un peu plus fatiguée que d’habitude, le sourire plus timide, presque effacé, ces derniers temps…
Bien sûr, parfois, c’était embêtant quand on était pressé et qu’elle avait son temps, tout son temps pour nous agripper la manche et parler indéfiniment de choses sans importance. Nous regardions nos montres avec impatience, le travail n’attend pas parfois, nous courons tandis que d’autres s’offrent le luxe de papoter… Comment ne pas s’agiter ?
Un petit cadeau pour Noël tous les ans, des étrennes d’écorces d’orange confites et enrobées de chocolat, elle nous disait merci, petit sourire charmant sur ses lèvres fines, contente qu’on ne l’ait pas oubliée. Et puis la nouvelle année, souhaiter qu’elle soit plus belle que l’an passé. Surtout avec la pandémie. Ça lui a cassé le moral, à notre petite mamie du rez-de-chaussée, toujours à l’affût du dernier ragot… ces derniers temps, le cœur n’y était plus vraiment.
Je ne l’ai pas vu, j’ai cru que ça irait mieux après les premiers mois de froid d’hiver, et ce prochain Noël un peu plus joyeux que l’an dernier. Le marché de Noël doit s’étaler sous nos fenêtres, avec les marrons chauds, alors oui, j’ai cru que notre petite mamie, cheveux au vent, manteau serré, allait tenir jusque-là et même après, jusqu’au printemps, jusqu’à l’été…
Pourtant, elle est partie un soir d’automne, pendant que je marchais sur les feuilles jaunes et rousses qui craquaient sous mes pas ; elle est partie pendant que j’achetais le potiron pour la fête d’Halloween, pendant que je décorais la maison en gonflant des ballons orange, et d’autres noirs comme le chagrin, mais nous ne pensions pas vraiment aux morts, nous pensions aux rires qui fusent quand on joue à se faire peur, pour rien. C’est un jeu, n’est-ce pas ? Rien qu’un petit jeu…
Sauf que ce soir-là, elle est partie, et c’était du sérieux.
Alors depuis, je pense à sa petite silhouette, si frêle que sait-on jamais si ce n’est pas le vent d’automne, un peu mauvais, qui nous l’a emportée…
Hier, il a sifflé un peu plus fort que d’habitude, et les feuilles d’arbres toutes dorées ont tremblé : on aurait dit des clochettes d’or suspendues aux branches, sur le grand arbre planté à côté de l’église où un dernier hommage lui a été rendu, à notre petite mamie.
Zalma-Solange Schneider

Une nouvelle signée Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteure de « Chemins étranges », « Points de fuite », et « Demain, tout ira bien ! » et « Ma vie en rouge et noir »
10 commentaires
j’ai encore ma mère de 95 ans…j’essaye de ne pas y penser ….
Moi je ne l’ai plu…
ce genre de personnes qui nous manque plus lorsqu’elle disparait
oui….
Très beau texte, je ne connaissais pas !
Merci pour Solange.
Des petits riens… si bien dits.
totalement d’accord
Un superbe hommage rendu à cette petite amie qui s’en est allée, tout doucement sans faire de bruit .
cela arrive parfois…