Il arrive parfois que quelque chose se détraque, et si on sait où ça commence, on ignore où ça finit…
Voici le début d’une nouvelle, où le simple quotidien plonge peu à peu dans l’étrange…
La suite se trouve dans le recueil « Ma vie en rouge et noir », aux Éditions L’Ire de l’Ours. Bonne lecture !

Quelque chose ne tourne pas rond…
Cette fois-ci, j’en suis sûre, quelque chose ne tourne pas rond, et ce n’est pas la peine que je me raconte des histoires, je ne peux que le constater : depuis huit jours, c’est-à-dire exactement depuis que j’ai emménagé dans ce nouvel appartement, quelque chose ne tourne pas rond.
Oh, ce ne sont que des détails, si infimes que je n’ai pas voulu y prêter attention les premiers jours, mais maintenant, force est de me rendre à l’évidence : ce matin, mon tapis a de nouveau été déplacé –de quelques centimètres seulement, et je sais, c’est une toute petite chose, mais bon, c’est gênant ; d’autant plus que j’aime beaucoup ce tapis. Il est mauve et rose, avec des motifs un peu étranges, et je l’ai placé avec précaution devant ma porte d’entrée dès le premier jour de mon arrivée.
Et à chaque fois que je sors, je vois bien qu’on l’a poussé, et c’est très laid, un beau tapis posé de travers. Vous me direz : je pourrais aussi bien ne pas sortir de chez moi, et ainsi, je ne le verrais pas. Ce serait une bonne solution, simple et efficace. Je pourrais aussi sonner chez ma voisine, de façon ferme et déterminée, et lui demander de cesser de déplacer mon tapis. Oui, ainsi, le problème serait réglé, s’il n’y avait que ça, que ce tapis.
Mais bien sûr, il y a d’autres choses, beaucoup plus graves : il y a ma ligne téléphonique. Les techniciens sont venus l’installer, et c’est vrai qu’à y bien réfléchir, je m’en souviens maintenant, ils avaient l’air un peu bizarre. C’est difficile à définir, un air bizarre, mais j’ai toujours eu le jugement sûr et je pense ne pas me tromper en affirmant cela. Il leur a d’ailleurs fallu beaucoup de temps pour installer cette fameuse ligne, un peu trop à mon goût.
Ils sont repartis ensuite, avec un sourire de contentement sur les lèvres. Je leur ai dit « au revoir » poliment, de la même façon que je salue ma voisine, celle qui déplace mon tapis et me gratifie toujours d’un chaleureux « bonjour » lorsqu’elle me voit, sa bouche largement étirée en un sourire qui se veut sans doute bienveillant, mais qui dévoile des dents luisantes et bombées, presque canines…
Oui, des dents carnivores, qui me rappellent ce chien noir un peu hirsute qui m’avait brusquement mordue, lorsque j’avais huit ans et que j’étais allée vers lui sans méfiance aucune, pour le caresser. Depuis, je sais qu’il faut toujours se méfier des chiens qui ont l’air inoffensif –et celui-ci semblait l’être. Ma voisine en possède deux. Ils semblent doux et calmes, je ne les aime pas. Je sais maintenant de quoi ils sont capables…
Mais bien entendu, ce ne sont pas les chiens qui ont détraqué ma ligne téléphonique –quoique « détraqué » ne soit sans doute pas le terme adéquat. Pour être précise, je dirai qu’il y a un curieux grésillement, systématique et continu, dès que je suis en ligne. Ceci dit, je ne téléphone pas souvent, mais il m’arrive d’appeler ma banque.
Et ce grésillement m’amène à penser qu’une tierce personne pourrait fort bien intercepter ma ligne et entendre à mon insu la conversation que j’entretiens avec mon banquier et qui, en principe, doit demeurer strictement confidentielle. C’est gênant ; c’est vraiment très gênant, cette intrusion.
Aussi, j’ai décidé que désormais, je m’entretiendrai avec mon banquier dans son bureau uniquement, même si celui-ci est truffé de caméras, ce qui est sans doute le cas de toutes les banques. Il suffit de parler à voix basse, de sorte à être comprise par l’interlocuteur, et de l’amener, graduellement, à baisser lui aussi le ton.
J’ai confiance en mon banquier, mais peut-être est-ce un tort…

Une nouvelle signée Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteure de « Chemins étranges », « Points de fuite », et « Demain, tout ira bien ! » et « Ma vie en rouge et noir »
5 commentaires
l’appartement est hanté….il y a le fantôme d’un biker
d’un autre côté, on est vraiment surveillé
Un suspense qui me fait penser au horla de maupassant. Merci, bises à toi
Un gros tort les banquier sont les 1er arnaqueurs….
J’aime toujours autant Zalma !