Parce que certains liens sont plus forts que tout, et que l’espoir jamais ne se perd, même au milieu du plus dur hiver… Ce court texte en plein hiver, comme un message où l’espérance choisit de ne pas se taire…
Bonne lecture !
« IL VEILLERA SUR TOI, DESORMAIS… »
Aujourd’hui était le jour le plus triste de l’année. Officiellement. Il ne pouvait pas y échapper, c’était mathématique. Troisième lundi du mois de janvier étant égal à « Blue Monday », lundi bleu. Bleu nuit. Bleu cendre. Bleu cendre d’une nuit d’hiver glaciale, sans rien pour venir adoucir son chagrin. Gris du désespoir, un cri dans la nuit, un oiseau envolé.
Il se dit qu’il ne passerait pas la nuit de cette fin de jour, de ce « Blue Monday ». Non, il ne passerait pas celle-ci, la tête couverte des tuiles du toit au-dessus de lui, et pourtant il lui semblait dormir nu, à la belle étoile, mais laquelle ? Celle qui semblait hurler au-dessus de ses yeux écarquillés, hurler sa peine, sa perte ? Ou bien l’autre, plus clémente, murmurant depuis le ciel jusqu’à son oreille : « Il faut tenir le coup, Fred… tenir quelques heures, jusqu’au lever du jour, et tu verras combien l’aube saura dissiper son ton chagrin… Il faut tenir, Fred, quelques heures avant que le jour ne fasse pâlir la nuit, le pire… »
Il se recroquevilla sous la couverture chaude qu’Anne lui avait apportée en début de soirée, tandis qu’il fixait ce bleu du ciel presque irréel. Il aimait Anne parce qu’elle s’était toujours occupée de lui comme d’un enfant, l’enfant qu’il était resté même en devenant père. Il sursauta : le mot lui faisait mal, comme une lame traversant son cœur de part en part, le brisant, le piétinant tel un cristal pur, blessé, en mille morceaux. Un cristal dont il ne parvenait pas à rassembler les miettes.
« Il faut tenir », pensa-t-il presque sauvagement en refoulant les larmes qui perlaient ses paupières, l’épaisse couverture posée sur son dos courbé. « N’abandonnez pas la lutte, jamais ! », avait murmuré Anne avant de s’éloigner de son pas doux et rassurant.
À travers ses paupières à demi-fermées, il lui sembla soudain apercevoir une forme pâle, presque lumineuse. Il murmura : « Olivier… ? » La pénombre engloutit son espoir, tandis qu’un épais sommeil l’envahit. « N’abandonnez pas la lutte, jamais ! » pensa-t-il, dessinant les contours du visage d’Anne au moment où ses yeux se fermaient, engloutissant son être dans le sommeil.
C’est le lendemain qu’il le vit, non pas le jour le plus triste de l’année, mais celui d’après, un mardi. Il le reconnut aussitôt parce que ses cheveux étaient comme les siens, épais et noirs. Parce que sa façon de marcher n’avait pas changé depuis son plus jeune âge, Fred avait l’impression qu’il courait, sans cesse pressé de mordre la vie. Il le reconnut parce qu’il l’attendait depuis si longtemps que ce ne pouvait qu’être lui, Olivier, venu apaiser ses dernières souffrances devenues légères, soudain, s’évaporant tel un brouillard dans le pâle matin d’hiver… Oui, Fred le vit en rendant son dernier souffle de vie, celui qu’il attendait depuis si longtemps : Olivier, son fils.
Le jeune homme laissa tomber son sac à dos. Il se précipita vers la première habitation qu’il vit et sonna comme un fou. Une femme âgée ouvrit la porte. Elle s’appelait Anne. Il cria, désignant le corps recroquevillé dans le hangar, sous la vieille couverture. Anne comprit aussitôt et ses yeux s’emplirent de larmes : « Il n’a plus jamais voulu dormir dans cette maison depuis ton départ… mais tu es revenu, à présent ! »
Levant ses yeux vers le ciel laiteux, elle aperçut alors un nuage doux et blanc, d’une forme étrangement familière. « Il veillera sur toi désormais… », murmura-t-elle, en serrant le jeune homme contre son cœur.
Zalma-Solange Schneider
Un texte signé Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteure de « Chemins étranges », « Points de fuite », et « Demain, tout ira bien ! » et « Ma vie en rouge et noir »
12 commentaires
Il est souvent trop tard
Parfois oui…
mais c’est qui cette Anne ?
Grande question
C’est très beau, très émouvant. J’en ai les larmes aux yeux. Bravo à Zalma !
Merci pour elle
Magnifique et émouvant ce texte. Merci
oui c’est cela
Tres beau et poignant récit
je suis d’accord
Ce texte donne les frisson tant il est dur….Bisous bisous
merci