Été 1982. Une famille française est happée dans la tourmente d’un coup d’État peu après son arrivée au Kenya. Malgré un discours officiel rassurant, leur vie bascule dans l’engrenage d’évènements violents qui les dépassent. Comment vont-ils traverser cette épreuve ?
Quarante ans plus tard, Vincent Cossé fait la lumière sur cette tragédie obscure qui a marqué son histoire personnelle et l’histoire du Kenya. Témoignage richement documenté, La Trace du lion nous entraîne dans une forêt d’intrigues où s’affrontent les manifestations les plus extrêmes de la nature humaine.
Entre le paradis et l’enfer, cette épopée à couper le souffle nous invite à découvrir un pays fascinant au-delà de la légende.
« Contrairement à la version officielle qui a minimisé les faits, les violences inimaginables qui ont entouré le coup d’État ont couté la vie à plusieurs milliers de victimes, sans parler de ceux et celles, civiles et militaires, qui ont survécu ou succombé par la suite. Ce livre leur rend hommage et tente de les sortir de l’oubli où ils ont été plongés. »
Vincent Cossé
Avant-Propos
« Voilà quarante ans que je suis poursuivi par un carton rempli de documents. Il me suit partout. Il a survécu à tous mes déménagements et triomphé de tous mes nettoyages de printemps. Du haut de son étagère, il me regarde fixement. Que veut-il exactement ? Pendant longtemps, je n’ai pas saisi. Puis j’ai fait semblant de ne pas comprendre, tant la demande me semblait extravagante : il veut que je raconte une histoire, celle que ma famille a vécue pendant le coup d’État de 1982 au Kenya. Il veut surtout que je témoigne d’évènements historiques ensevelis avec leurs victimes dans les oubliettes de l’Histoire.
La mission est écrasante. À l’époque des faits, j’avais dix-sept ans et un accès limité à l’information. Heureusement, le carton est rempli de trésors. Il contient un journal intime rempli de notes et une liasse de vieux journaux jaunis par le temps. En y ajoutant les souvenirs de la famille, j’ai commencé le récit de notre aventure, sans pouvoir le finir. Quelque chose de terrifiant et d’énigmatique se cachait derrière, comme un lion à l’affût dans les hautes herbes. En partant sur ses traces, je me suis perdu dans une forêt de légendes et d’intrigues. J’en suis sorti avec des découvertes stupéfiantes. Aujourd’hui, quarante ans après les évènements, j’ai le sentiment d’avoir accompli une mission. Le carton qui a livré ses secrets s’est assoupi sur son étagère. »
Découvrir le Kenya autrement
Dans son roman, Vincent Cossé partage le regard de sa famille sur la mort, l’entraide, les pillages, les trahisons, la nature humaine, le pire et le meilleur de l’homme.
Mais son récit a surtout été pensé comme une invitation au voyage, une déconstruction de l’image romantique du Kenya pour offrir une approche plus réaliste et complète… toujours aussi fascinante.
Une immersion dans le Kenya des années 1980
Ensorcelant, le Kenya dans sa grande richesse culturelle, faunistique et géographique sert de toile de fond magistrale à cette épopée historique. Le pays est raconté à travers ses habitants : les employés et les Kényans rencontrés au fil du livre.
Derrière l’image d’Épinal, il y a ainsi la réalité moderne et passée du pays. Car durant cette période charnière, il y a aussi le poids de l’héritage colonial et les défis de vivre ensemble dans un pays multiethnique.
Découverte des territoires nomades du Nord
La rencontre inédite avec les communautés pastorales isolées du Nord Kenya (aux confins de la Somalie, de l’Éthiopie et du Soudan), encore fidèles à leur identité et à leurs traditions il y a 40 ans, constitue un point d’orgue du livre.
Double choc culturel : avec la culture africaine et la culture britannique
Choc culturel avec la culture britannique traditionnelle, toujours très présente dans le pays, en particulier les Country club, club house, gentlemen’s club… Ce séjour au Kenya a permis à l’auteur de découvrir un pré carré de la culture anglo-saxonne, qui lui était inaccessible en France malgré la proximité géographique. Le livre régale le lecteur de portraits truculents, qui reflètent la grande diversité des communautés du Kenya.
Un récit inédit du coup d’État de 1982 au Kenya
Premier récit intégral documenté du coup d’État du 1er août 1982 au Kenya, et des violences qui ont suivi, ce livre s’appuie sur les souvenirs de Vincent et de sa famille, mais aussi sur des documents de l’époque conservés par l’auteur et 3 années de recherche et d’écriture.
Il est le fruit de plus de 3,000 documents consultés et cite plus de 300 sources bibliographiques. 500 notes en bas de page permettent aussi d’aller plus loin dans la compréhension de ces événements.
Inconnu en France, et plus généralement en dehors du Kenya, ce coup d’État est pourtant capital dans l’histoire moderne de ce pays. Tragique, mais boudé par les historiens, il dessine la réalité complexe d’une jeune nation aux prises avec les défis de la modernité et du vivre ensemble.
On voit ce pays magnifique, célèbre pour sa vie sauvage, sombrer dans la guerre. Le récit oscille d’ailleurs entre le sublime et l’horreur. Avec une coïncidence marquante : la date de fin de la rédaction du livre correspond au 40e anniversaire de l’évènement.
Révélations et Complots
Daniel arap Moi est décédé en 2020. Son départ de la présidence en 2002 a précipité le renouveau du multipartisme et de la liberté de ton. Avec prudence, les langues se délient. Après des décennies de censure et de traumatisme, les victimes demandent des comptes, les anciens aviateurs racontent leur calvaire à la presse et aux juges, les hauts fonctionnaires en retraite se cherchent un biographe au crépuscule de leur existence, et Internet révèle une part de l’information tapie dans les consciences et les archives. La compilation inédite de 40 ans de témoignages dévoile un jeu de rivalités d’une extrême complexité.
Au Kenya : évènement oublié et tabou
Négationnisme et amnésie collective : 40 ans après, un sujet tabou toujours classé secret. Il a été qualifié de « légère perturbation dominicale » par le Président de l’époque Daniel arap Moi, car cette réalité n’était pas bonne pour l’image du président, du Kenya, pour le tourisme et les bailleurs de fonds. Il reste d’ailleurs l’événement le plus traumatisant de l’histoire du Kenya depuis la répression de la révolte Mau Mau trente ans plus tôt.
L’âme du coup d’État est toujours présente. Il continue de façonner le paysage politique, car la liste des griefs des auteurs du coup d’État manqué est toujours actuelle et bien vivante. Les conflits meurtriers qui ont émaillé l’histoire du Kenya depuis les évènements de 1982 (insurrections civiles, rapports successifs des commissions d’enquête) trouvent leurs racines dans les injustices dénoncées par le manifeste de la Révolution du 1er août 1982.
Hooligans ou étendards de la démocratie ? Si la mémoire collective semble amnésique par rapport à cet événement, les dissidents exilés posent la question : ont-ils été des « rebelles », des « hooligans » selon l’appellation officielle, ou des étendards courageux qui ont ouvert le chemin vers la démocratie ?
Extraits
« La voie est libre pour réaliser l’acte symbolique qui signera la chute du Président Moi : l’invasion du centre-ville ! Les étudiants veulent participer à l’événement, mais les militaires ne sont pas emballés par cet engouement massif. Surexcités, les jeunes du campus pourraient mettre en péril la mission. Certains ont déjà bien arrosé la victoire, et font circuler de l’alcool parmi les soldats. Enfin, il n’y aura jamais assez de place dans les camions et les Land Rover.
Les militaires ne sont pas les seuls à s’inquiéter. Tito Adungosi, le président de la SONU, fait servir le petit-déjeuner au réfectoire universitaire pour tenter de retenir les étudiants. Puis il prend la parole pour dissuader ses camarades de s’aventurer en ville. Il est trop tôt et trop risqué pour aller manifester ! Mais Adungosi et Ochuka ont sous-estimé la colère des étudiants, attisée par la fermeture progressive de tous les espaces collectifs d’expression. Le ventre vide et des rêves plein la tête, ils veulent participer à la libération, et rien ne pourra les arrêter. »
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« Nous voici partis en famille à travers les faubourgs sur des pistes qui se ressemblent toutes, nous fiant à la mémoire photographique de mon père. Au détour d’un virage, une forme se découpe dans l’herbe folle qui longe la chaussée. Ronde et lisse… On dirait un ventre, gonflé comme un ballon ! Inutile de s’alarmer : c’est l’heure de la sieste. Un dilettante a dû s’assoupir en plein soleil. Plus loin dans le chiendent roupillent d’autres dormeurs. Mais leur posture est insolite, dérangeante, impossible à tenir par un corps en vie… Nous sommes entourés de macchabées figés dans la douleur ! Un camion est arrêté juste devant nous. Sa benne chargée de cadavres nous fait face. La voiture s’immobilise dans un silence de mort. Un guerrier en débardeur kaki trempé de sueur s’approche de nous en haletant. Ami ou ennemi ? »
À propos de Vincent Cossé, l’auteur
Né à Rouen en 1965, Vincent se passionne très jeune pour l’écriture à travers la poésie et le café-théâtre. Son diplôme de management en poche, il explore les voies de la communication institutionnelle, de l’écriture numérique, du journalisme et de la radio.
Globe-trotter dans l’âme, il part à l’aventure à la découverte du monde, en stop ou en 2 CV, et publie des articles sur ses traversées de l’Afrique et de l’Amérique Latine. Il collabore à la création et à la mise à jour de nombreux guides de voyage en France et à l’étranger, en particulier au Kenya.
Ses voyages l’éveillent à une urgence écologique planétaire. À trente-cinq ans, il entreprend un nouveau cycle de formation pour contribuer à l’émergence de l’urbanisme durable en France puis en Asie.
Vincent Cossé vit à présent avec son épouse à Singapour où il poursuit ses activités d’écriture et de conseil en architecture du paysage. Passionné de musique, il est aussi auteur, compositeur et interprète.
La Trace du Lion
Vincent Cossé
530 pages,
Librinova, 2023
4 commentaires
avec le niger c’est encore d’actualité
Oui…
Si les britanniques n’ étaient pas tendres, les dirigeants noirs ne l’ étaient pas non plus
C’était terrible.