Vous connaissez sans doute l’histoire des révoltés de la Bounty, cet épisode historique où des marins britanniques, menés par Fletcher Christian, se mutinent contre leur capitaine, William Bligh. Mais avez-vous déjà envisagé cette aventure du point de vue des femmes tahitiennes qui ont été entraînées dans cette odyssée? Le roman Celles de la Bounty, signé par l’autrice néo-zélandaise Rowan Metcalfe, offre une perspective inédite et poignante sur cette histoire maintes fois racontée.
Découvrons ensemble cette œuvre qui dépoussière une épopée fascinante en donnant une voix à celles que l’histoire officielle a trop longtemps ignorées.
La mutinerie revisitée par Rowan Metcalfe
Une héritage unique
Rowan Metcalfe (1955–2003), descendante directe de Fletcher Christian et de Mauatua, une des femmes tahitiennes emmenées sur la Bounty, possédait une perspective unique sur cet épisode historique. Dans Celles de la Bounty, son premier et unique roman, elle entreprend de raconter l’histoire sous un angle novateur : celui des femmes polynésiennes.
Ces femmes, qui ont été des témoins et des actrices de cette aventure tumultueuse, ont souvent été réduites à des figures secondaires dans les récits européens. Metcalfe renverse cette tendance en les plaçant au centre de son roman, leur offrant ainsi une voix longtemps étouffée.
Une approche culturelle et féminine
Celles de la Bounty ne se contente pas de narrer les événements historiques ; il explore par ailleurs les relations complexes entre les marins britanniques, les Polynésiens et les femmes emmenées à bord. En plongeant dans les tensions culturelles, les différences de valeurs et les dilemmes moraux auxquels ces femmes ont été confrontées, Metcalfe nous rappelle que l’histoire est fréquemment bien plus nuancée que ce que les récits traditionnels laissent entendre.
Une chronologie fascinante
De Tahiti à Pitcairn
Pour mieux comprendre le contexte du roman, rappelons les grandes étapes de cette aventure historique. Le 25 octobre 1788, la Bounty, sous les ordres du capitaine Bligh, atteint Tahiti pour collecter des plants d’arbre à pain destinés aux Indes occidentales. Pendant cinq mois, l’équipage s’imprègne de la culture tahitienne, nouant des relations avec les habitants.
Sur la route du retour, une mutinerie éclate au large des îles Tonga en avril 1789, menée par Fletcher Christian. Tandis que Bligh et ses fidèles sont abandonnés en mer sur une chaloupe, les mutins retournent à Tahiti avant de poursuivre leur voyage vers l’inconnu.
Le 23 septembre 1789, la Bounty quitte Tahiti une dernière fois avec à son bord des marins britanniques, des hommes polynésiens, douze femmes polynésiennes et un nourrisson. Ils atteignent l’île isolée de Pitcairn le 15 janvier 1790, où ils espèrent échapper aux représailles britanniques.
L’après-Bounty
À Pitcairn, les communautés formées par les survivants de la mutinerie vivent des tensions grandissantes. Les conflits entre les hommes, exacerbés par les différences culturelles et la lutte pour le pouvoir, mènent à des violences tragiques. En 1808, un chasseur de phoques découvre que seuls Alexander Smith (alias John Adams) et quelques femmes ont survécu. Cette petite communauté deviendra l’origine des habitants actuels de Pitcairn.
Un regard neuf sur des thèmes intemporels
Une aventure humaine avant tout
Dans son roman, Metcalfe met en lumière les enjeux humains, sociaux et culturels qui transcendent cette histoire. Les femmes de la Bounty incarnent la résilience face à des choix imposés par des circonstances hors de leur contrôle. Elles symbolisent aussi l’équilibre fragile entre deux mondes qui se rencontrent avec leur lot de fascination mutuelle et de malentendus.
Une réflexion sur le colonialisme
En adoptant le point de vue des Polynésiennes, Metcalfe propose une critique implicite du colonialisme et de ses conséquences. Elle montre comment ces femmes ont été prises dans un tourbillon d’événements dictés par les ambitions européennes, tout en soulignant leur capacité à survivre, à s’adapter et à transmettre leurs traditions malgré l’adversité.
Pourquoi lire Celles de la Bounty ?
Une perspective inédite
Ce roman n’est pas simplement une réinvention de l’épopée de la Bounty ; c’est aussi une invitation à envisager l’histoire sous des angles différents. En donnant la parole aux femmes, Metcalfe enrichit notre compréhension de cet épisode historique.
Une écriture immersive
La plume de Rowan Metcalfe, à la fois sensible et incisive, transporte le lecteur au cœur de l’action. Son écriture nous fait ressentir les émotions des protagonistes avec une intensité rare, rendant cette histoire encore plus vivante et captivante.
Celles de la Bounty : Un héritage littéraire et historique
Celles de la Bounty est bien plus qu’un roman historique : c’est une œuvre qui invite à repenser notre vision de l’histoire et de ses protagonistes. En mettant en lumière des voix longtemps oubliées, Rowan Metcalfe nous rappelle que chaque histoire mérite d’être racontée dans toute sa complexité.

Titre : Celles de la Bounty
Autrice : Rowan Metcalfe
Traduction : Henri Theureau
Couverture signée par l’artiste Gabrielle Ambrym à l’origine de la charte graphique de la collection littérature Au vent des îles.
Date de parution : 10 janvier 2025
Nombre de pages : 368 pages
Editeur : Au vent des îles
ISBN 978-2-36734-545-1
Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous lu ce roman ou êtes-vous tenté de le découvrir ? Partagez vos réflexions et vos impressions en commentaire !
8 commentaires
je me souviens dans le film qu’elles étaient habillées écologiquement …
Intéressant.
Je trouve intéressant en effet qu’on donne la parole aux femmes sur ce thème.
Je le pense aussi e cela donne un excellent livre.
Je note ce titre, merci pour l’info!
J’avais abordé l’histoire de la Bounty en lisant L’île de Robert Merle quand j’étais gamin (où « le choeur des femmes » avait une belle place), avant de lire le livre de Sir John Barrow qui donnait une version non fictionnalisée et très anglocentrée. Depuis, j’ai vu un ou deux films, lu d’autres livres (y compris l’histoire sous la plume de Jules Verne)…
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola
Cette lecture sera un excellent complément.
Bonjour,
Je suis en train de le lire, il reste moins de 100 pages, j’étais intéressée par tout ce qui est dit au dessus, je reconnais les qualités du roman, mais j’ai beaucoup de mal, devant souvent vérifier qui est qui, que signifie ce mot (et pourtant j’avais un stock de mots tahitiens déjà connus)(et je suis déjà allée à Tahiti et Tubuaï), bref la narration un peu poétique et imagée ne correspond pas à ce que j’attendais. J’ai appris beaucoup de choses, c’est sûr, mais… je m’ennuie et n’ai pas vraiment pu m’attacher aux personnages.
C’est ma faute, je le reconnais, je ne suis pas la lectrice qu’il fallait…
Bonjour,
merci pour votre retour de lecture.
Parfois, on ne rencontre pas la lecture que l’on attendait.
Ce n’est pas une question de faute de votre part, on ne décide pas si on va s’ennuyer, on le vit.
J’apprécie vraiment l’honnêteté de votre commentaire.