Voici un auteur qui valse avec les mots, créant des formes poétiques sur son sillage : Arnaud Minime, qui vient également de créer sa maison d’édition, est un poète que je vous propose de découvrir !
Arnaud Minime auteur
- Bonjour, Arnaud Minime ! Vous êtes un jeune auteur, et vous venez de publier votre premier recueil « Comme une lettre à ton ombre, carnets en vers septains et autres poésies ». Qu’est-ce qui vous a mené à l’écriture ? Et pourquoi la poésie ?
J’écris presque depuis l’aube de mes jours, et les soupirs de mes rêves. Je me souviens de Mama, qui m’offrait mon premier carnet de mots alors que je devais bien avoir cinq ans. Passionné d’Arte et de National Geographic, j’y narrais les aventures d’animaux chéris. Enfant de nature solitaire, avec mon petit frère, je chantais, jouais et mimais ce qui avait au préalable été couché sur papier.
Ainsi, dès l’origine, ma plume s’est entremêlée de musique, de rythme et de dramaturgie. Sans le savoir, de toute ma candeur de mölêngè — « enfant », dans ma langue maternelle, le Sängö —, je réconciliais déjà mes deux cultures, africaine et européenne.
La vie me montra plus tard comme ce premier point d’ancrage inconscient était primordial. Je suis venu en France en tant qu’étranger, pérégrin, et y suis revenu en tant que métèque émigré ; un Français exilé en terres ancestrales, au cœur d’un océan équatorial asséché fait de sable, d’arbres et de mangues.
Donc, j’écrivais pour tromper l’ennui, le sentiment d’isolement, et composais afin de dialoguer avec ita (mon « frère ») qui ne parlait pas encore, et pour qui la mélodie, le regard et le mouvement étaient le maître langage.
Pourquoi la chère-mère, la Poésie ? Je ne le sais pas. Ou plutôt, mbi grïsa ; j’ai fini par l’oublier. Alors que j’étais en Centrafrique, au lycée français, ma professeure de Langues m’y a mené, sans doute elle-même guidée par quelques moires, les muses ou bien les hespérides. Muriel Malus, reine des femmes… aujourd’hui, je crie ton nom. À elle, et à ma maman, en particulier, je dois mon tout : l’art et le verbe. Elles sont dames Poésie.
J’ai navigué d’âge en nage, de périls en pays, de guerre, de terre et d’air. J’ai navigué tant et si bien que j’ai fini par rejoindre mes pairs qui grattaient la kôra et psalmodiaient la geste des rois, sous le firmament des baobabs, et leurs grands-pères hellènes, d’Ithaque à Paris, traversant par Denderah dans la caravane des troubadours. D’épices et de sel, la poésie raconte l’oral de mes mémoires. Elle est le phare qui dicte mes pas sur les longues sentes de la vie. Elle dit qui je suis, de mes nuits à mes gloires, et vers celles d’autrui.
- Vous venez également de créer, tout récemment, votre propre maison d’édition, elle aussi, essentiellement consacrée à la poésie… N’est-ce pas un peu risqué ? La poésie se lit-elle encore, de nos jours ?
Tel que je l’ai dit plus haut, je dois tout à la poésie. Vous savez, Ici-bas, tout est risqué, rien n’est jamais vraiment acquis, ni évanoui : tout se partage, s’échange, se transforme… se dilue. J’ai bu le vin de palme des armes qui salissent le cœur des hommes.
J’en ai bu jusqu’au calice et sa lie. Mais je n’ai pas soûlé. Pas une fois. Bien sûr, j’ai trébuché, manqué de m’affaisser — de m’effacer. Pourtant, voici que je vous parle. Ici, là. Sïngïla. Merci. Grâce aux poëmes, qui étaient à mon chevet chaque soir au nadir de mon innocence, lorsque je croyais que tout était fini.
Alors, voyez-vous, j’en boirai encore. J’engloutirai des mélopées entières de poésie. Maison Les Minime’s, c’est mon ode ingrate à cette femme toujours présente à mes côtés, et toutefois jamais connue. Nous éditons de nombreux autres amoureuses et amoureux qui, comme nous, sont orphelins de son sein.
Se lit-elle encore, de nos jours ? À moi de vous retourner la question : a-t-on coutume de lire dans les yeux d’une femme comme d’un livre ouvert ? Quand on aime, oui ! Or, lire de la poésie, c’est aimer la vie. C’est s’ouvrir, s’offrir à Gaïa, tout simplement. Dans ce sombre monde… oui, je crois qu’il y a bien des gens qui aiment encore. Quelque part.
- En dehors de la poésie, est-ce que vous écrivez aussi d’autres choses : du théâtre ? des romans ? …
Pardi ! Mais la poésie est tout cela à la fois, ma foi. Elle a mille visages. C’est une femme de masques et de haut-volage. « Roman » est un mot-valise : il désignait autrefois un poème composé en langue romane. Quant au théâtre… Aristote, à qui l’on attribue la paternité de la poïesis, la voulait joueuse et jouée, déclamée sur scène et à la lyre !
Plus prosaïquement : j’écris aussi des chroniques et communiqués de presse, des discours politiques, ou encore des nouvelles et… de la chanson. Mais tout, chez moi, en revient toujours aux sirènes des vers. Car, comme je l’effeuille sur le pétale d’une fleur poétique dans Comme une lettre à ton ombre,
« D’aussi loin qu’il m’en souvienne L’âge de mes premières chansons
(…) je naquis échanson
Des saintes muses lunes vénusiennes »
- Quels sont les auteurs, les situations et aussi les évènements qui inspirent votre écriture ? Et pensez-vous, à l’instar de Sartre par exemple, que l’écriture doit être un acte engagé ?
La mélodie — la mélancolie de la vie. Voilà la source de mes dires. C’est Melpomène, qui « étreint la tristesse hivernale », et susurre à mon cœur la partition de l’acte universel que j’ai le loisir d’interpréter : le poëme, ma bohème. Quelquefois, voici qu’elle me prend, conspire à dessiner un soupirail dans la toile de mon sommeil ! Je lui suis corps et âme offert.
Sartre a raison. Mais je lui préfère les phrases de Yasmina Khadra, le poète Berbère :
« Aucun homme n'a le droit de tourner le dos au monde. Son devoir est de faire face à l'adversité, de lui survivre, car le sacrifice suprême n'est pas d'offrir sa vie, mais de l'aimer malgré tout.
(…)
Celui qui passe à côté de la plus belle histoire de sa vie n'aura que l'âge de ses regrets et tous les soupirs du monde ne sauraient bercer son âme. »
Or, la plus belle histoire de ma vie, c’est bien l’humanité, que je dépeins en poésie comme Orphée tressait des colliers de louanges à sa mie allée. Moi, je tresse afin que jamais la mienne ne s’en aille. Je crains trop les arlésiennes.
- Lorsque vous écrivez, avez-vous des petits rituels ? Vous faut-il du silence ou un lieu en particulier ? Peut-être un chat… ou bien de la musique… ou autre chose ?
Oh ! Il m’arrive d’écrire soleil couchant, sur un sofa, un verre de Martini à la main, tandis que l’autre griffonne au stylo à encre fine et noire. Souvent, dans le même temps, la baie vitrée se tient légèrement entrebâillée, et la douce brise inonde le salon de ses effluves saisonniers, vient titiller la fleur d’une bougie qui tamise la pièce, et me nourrir des sons du dehors.
Quelques notes de Korcia fusent dans l’air, jusqu’à embrasser la fresque Boldini qui a pris niche de canevas en mon esprit. Je chéris jalousement cette atmosphère feutrée. Je m’y sens dans l’alcôve du poète, comme dans l’atelier de l’orfèvre.
- Merci, Arnaud, d’avoir répondu à ce petit questionnaire, et au plaisir de vous retrouver bientôt afin que vous puissiez nous présenter votre maison d’édition « Les Minime’s » !
Merci tant à vous, surtout, très chère ! Ce fut un véritable plaisir.
Assurément ! Il me tarde de vous présenter la fabuleuse équipée — épopée — de notre première anthologie, peut-être l’un des livres de l’été : Désirez-moi !.
Prenez soin de vous.
Art, Rêve & Amour
Un interview signé Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteur de « Chemins étranges » et « Points de fuite »
8 commentaires
cela montre aussi à quel point parents et instituteurs sont importants
oui on l’oublie trop souvent aujourd’hui
Bonne chance à ce jeune poète pour son roman et sa maison d’édition !
merci pour lui
merci de partager cet interview…
avec plaisir
Merci tant à vous, chères et chers ! Merci pour ces ondes positives. Prenez soin de vous, et lisez beaucoup !
Art, Rêve & Amour
AJB Jr
Merci à vous