Noël approche, alors, voici un thriller bien addictif, pour entrer dans l’ambiance… mais attention : il ne faut pas s’attendre à un petit réveillon paisible, bien au contraire : préparez-vous mentalement, parce que ça va être terrible !
Quelle famille ne cache pas ses petits et parfois grands secrets ? Vos voisins qui semblent si paisibles, le sont-ils tant que ça… ?
« Nul n’en sortira… » vous en dit un peu plus sur ce qui peut se cacher derrière les visages souriants qu’on ne soupçonne pas. Alors, méfiez-vous : ils sont parfois capables du pire…
Bonne découverte !
CHAPITRE 1 : Le paquet rouge
Il faisait froid, en ce 24 décembre, un froid sec qui charriait avec lui un vent glacial. Charles s’engouffra dans la maison en refermant la porte aussitôt, ôta ses gants et frotta ses mains l’une contre l’autre, enfin soulagé. Il suspendit son lourd manteau gris en songeant à sa retraite : deux ans… Oui, deux longues années à patienter avant de pouvoir enfin changer de vie, revendre son agence immobilière et couler des jours paisibles. Et pourquoi pas, s’installer au soleil ? L’Espagne ou le Portugal, depuis le temps qu’il y songeait… Aline n’était pas contre, et puis, les enfants se débrouillaient sans eux depuis quelques années déjà…
Un léger rictus passa comme une ombre furtive sur le visage d’Aline :
La voix de Charles se durcit :
Il plaça de biais une bûche dans la cheminée, se releva en contemplant les flammes chaudes et puissantes. Est-ce qu’ils auraient besoin de faire du feu, en Espagne ? Il n’eut pas le temps d’y penser plus longtemps, un coup de sonnette retentit et il alla ouvrir la porte pour accueillir son fils. Une silhouette aussi longiligne que lui était trapu, une tignasse blond cendré et des yeux bleus ; mis à part le sourire qui ressemblait à s’y méprendre à celui de son père, Kévin était le portrait craché d’Aline. Depuis toujours, Charles avait eu du mal à accepter cet enfant. Kévin avait été un bébé chétif à la naissance, les médecins n’étaient pas certains qu’il survivrait. Dans son berceau fragile, ses paupières étaient transparentes et il poussait des petits sons dans son sommeil. Et puis, il avait grandi telle une plante qui ne cesse de pousser, et Charles s’était habitué, avait fini par admettre qu’il avait un fils qui lui ressemblait peu, qui n’avait pas ses goûts, qui n’aimait ni la chasse, ni la pêche, ne s’intéressait guère qu’aux livres et à sa guitare. Un fils qui ne reprendrait pas l’agence immobilière, mais ça lui était bien égal, à présent. Kévin enseignait la musique et donnait des concerts auxquels Charles ne se rendait jamais. Du moment qu’il était indépendant, il pouvait bien faire ce qu’il voulait dans son studio ! Il avait assez longtemps traîné ses grands pieds à la faculté, sachant mal comment s’orienter… et Charles avait craint de ne jamais s’en débarrasser. Kévin ouvrit la bouche mais son père le devança :
Il aperçut un paquet rectangulaire, de taille moyenne, posé à même le sol. Il était emballé dans un papier rouge vif.
Il n’eut pas le temps de lire l’inscription écrite en lettres capitales. La voix d’Aline appela son fils depuis la cuisine, et Kévin s’empressa de la rejoindre pour l’embrasser au milieu des effluves de dinde aux marrons.
Il avait fallu à Kevin plusieurs heures pour arriver à Dijon et il était impatient de retrouver ceux qu’il aimait ; ou plutôt, celles qu’il aimait : sa mère et sa sœur. Mais il n’avait gardé aucun ami dans cette petite ville de province. Par contre, des mauvais souvenirs en pagaille, il n’en manquait pas. Et il y avait son père, bien sûr… un homme qu’il avait toujours trouvé dur, sans être méchant, mais tranché dans ses avis, ses ordres souvent. Kévin avait l’impression qu’il l’avait supporté comme on supporte une maladie, en espérant qu’elle s’en aille le plus rapidement possible.
Des voix retentirent soudain dans le couloir, un tintamarre joyeux :
Son teint était rougi par le froid, ses longs cheveux roux encadraient son joli visage fendu d’un énorme sourire. Félix se tenait à ses côtés comme un poireau mal planté, un peu gauche. Ses cheveux noirs et lisses tombaient en une longue mèche, semblant masquer son œil gauche et une partie de sa joue. Dire qu’ils se connaissaient tous depuis l’enfance, dans ce quartier résidentiel où ils avaient grandi, fréquenté les mêmes écoles, joué aux mêmes jeux… Ce temps était si loin, désormais ! Et puis, Félix avait perdu sa mère, alors qu’il entrait tout juste dans l’adolescence, l’âge ingrat qui avait été plus cruel pour lui que pour eux. Etait-ce pour cette raison qu’Eva l’avait aimé plus que les autres, au point d’en faire son petit ami, depuis qu’ils s’étaient revus cet été ?
Chacun prit un plateau chargé de verres, de champagne, de canapés au foie gras et autres amuse-bouche et tous se dirigèrent vers le salon.
Charles discutait avec Jean-Pierre, qui venait d’arriver avec un peu de retard, apportant avec lui quelques bouffées d’air froid. Les deux hommes avaient pris place dans le canapé en cuir beige confortable, et Jean-Pierre frottait ses mains l’une contre l’autre pour les réchauffer. Ils étaient voisins depuis de nombreuses années, et une sympathie naturelle les liait : l’habitude de se côtoyer, séparés par à peine quelques mètres carrés de pelouse, verte en été, ou bien couverte de neige en hiver ; l’habitude de se saluer le soir et le matin, et parfois même de s’inviter chez les uns et les autres, pour boire un apéritif, ou pour griller quelques pièces de viande sur le barbecue, aux premiers beaux jours.
Et puis, il y avait ce soir de Noël : une occasion particulière, une invitation qu’Aline avait tenu à lancer pour la première fois, cette année… Les petites flammes des bougies luisaient doucement, créant une atmosphère agréable dans le salon, éclairant le grand sapin que Charles et Aline avaient choisi, installé puis décoré de boules lumineuses et de rubans dorés.
Le père de Félix se leva dès qu’il aperçut Aline pour la saluer et la remercier de son invitation.
Charles s’empressa de faire tourner les plats, se servant largement au passage. Il attrapa la bouteille de champagne qui trônait dans un seau argenté rempli de glaçons, et d’un geste souple, en fit sauter le bouchon.
Félix tendit distraitement son verre, occupé à mordre à pleines dents dans un canapé au saumon, décoré de crème fraîche et d’aneth. Ses yeux fixaient le sapin, sa guirlande en train de clignoter, tandis qu’il discutait avec Kévin et Eva :
Aline se tourna vers sa fille, en la regardant d’un œil attendri :
Elle piocha à son tour dans le grand plat garni de toasts au foie gras. Eva s’avança vers elle, entourant de son bras les épaules de sa mère.
Aline et Eva partirent d’un bon rire, et bientôt, Félix et Kévin les accompagnèrent.
Au fond, la soirée s’annonçait plutôt bien. Le vent hurlait à travers les volets clos, empêchant le froid d’entrer. La maison, souvent vide, était devenue une sorte de cocon familial pour un soir, un lieu accueillant où festoyer dans la douce chaleur dégagée par le feu crépitant dans la cheminée.
Son père allait répondre qu’il ignorait d’où venait ce paquet rouge, ne comportant aucun expéditeur, mais sa fille le devança. Elle se mit à lire à voix haute le message qui figurait en grosses lettres : « À OUVRIR EN PRIORITÉ LE SOIR DE NOËL ».
CHAPITRE 2 : Je vous observe…
« En espérant que ce ne soit pas une mauvaise plaisanterie… » ! Quelle belle phrase, on ne pouvait pas mieux trouver. L’entendre ou la prononcer, c’est égal, c’est un vrai régal ! J’ai cru que j’allais m’étouffer en avalant de travers le canapé délicatement tartiné de foie gras. Mais je n’ai rien montré, mon visage est resté impassible. J’ai fait comme vous, au fond, exactement ce que vous m’avez appris à faire, tous : j’ai posé un masque sur mon visage pour qu’on ne remarque rien, qu’on ne devine rien.
Et puis, j’ai bu une seconde coupe de champagne, et j’ai souri en vous observant à la dérobée. La crainte se lisait sur certains visages, mais à peine. Une crainte vite balayée d’un revers de main, comme un mauvais souvenir gênant qu’on chasserait ainsi qu’on le fait avec une mouche qui se pose sur le pain. Pourvu que rien n’affleure à la surface des eaux, pourvu que ce ne soit qu’un gentil présent, arrivé par hasard ou par erreur dans votre boîte à lettres. « En espérant que ce ne soit pas une mauvaise plaisanterie ! ». J’ai adoré cette phrase, j’ai ri au fond de moi, si vous saviez ce que j’ai pu rire en silence !
Oh, non, il ne s’agit pas d’une « plaisanterie ». C’est très sérieux, au contraire. Infiniment plus sérieux que vous ne pouvez l’imaginer ! Quoique l’imagination ne vous fasse pas défaut, vous êtes tous ici si inventifs. Si ingénieux aussi, capables de cacher tant de secrets, depuis si longtemps…
Au fond, c’est vous tous qui plaisantez depuis tant d’années, pas moi. Car qu’est-ce que représente la vie, pour vous ? Seuls comptent vos petits plaisirs égoïstes, n’est-ce pas ! Si vous pouviez entendre les mots qui se bousculent dans ma tête, et si vous saviez à quel point je sais… Car je sais tout, à présent. Je sais surtout à quel point la souffrance des autres vous est égale. Que rien ne compte en-dehors de votre sinistre comédie.
Alors ce soir, mangez, buvez une dernière fois en paix, ou plutôt, dans ce qui vous semble être une paix. Car bientôt, l’enfer va commencer. Pour vous. Oui, vous tous. Bientôt, vous déballerez le papier rouge, car vous ne saurez résister à la tentation de la curiosité. Après, vous serez pris dans un engrenage infernal dont vous ne sortirez pas.
Car d’ici, nul n’en sortira…
La suite ? Elle se trouve ici, sur commande.
Un article signé Solange Schneider pseudo Zalma écrivain, auteure de « Chemins étranges », « Points de fuite », et « Demain, tout ira bien ! » et « Ma vie en rouge et noir »