Il est des livres qu’on n’attendait pas, et qui pourtant tombent dans nos mains comme un mot doux glissé sous la porte. Contes des petits mondes d’à côté d’Alain Cadéo est de ceux-là. Publié à titre posthume, ce recueil chuchote plus qu’il ne parle, mais il touche — avec cette tendresse un peu brumeuse propre à ceux qui savent observer le monde en silence.
Dans un monde saturé de bruits, d’images et de certitudes criardes, ces contes offrent des respirations : des bulles de rêve, des éclats d’enfance, des instants suspendus. Ils nous rappellent que la littérature n’a pas toujours besoin de hurler pour être entendue. Parfois, il suffit d’un murmure bien placé pour ébranler quelque chose en nous.
Chroniquer ce livre, c’est accepter de ralentir le pas. C’est tendre l’oreille à ces « petits mondes » que nous avons peut-être oubliés, mais qui n’ont jamais cessé de palpiter juste à côté. Et si vous vous laissez guider, il se pourrait bien que ces récits, si discrets soient-ils, résonnent longtemps après avoir refermé la dernière page.
Ces mots qui restent : hommage à Alain Cadéo et à la fidélité d’une voix aimée
C’est avec une tristesse profonde que j’évoque aujourd’hui le nom d’Alain Cadéo, dont l’absence laisse un silence immense… mais peuplé de mots, de murmures et d’âmes que ses livres continuent de porter. À travers chaque chronique que j’ai eu la chance d’écrire sur ses œuvres, c’est un dialogue sensible qui s’est noué avec un écrivain à part. Et si ses pas se sont arrêtés, ses phrases, elles, continuent de marcher parmi nous — grâce à la présence discrète et précieuse de son épouse, Martine Cadéo, qui veille aujourd’hui encore à ce que ses textes trouvent leur chemin vers les cœurs.
Depuis plusieurs années, j’ai eu le bonheur de chroniquer les œuvres d’Alain Cadéo sur le blog Rainfolk, tissant au fil du temps un lien sensible avec son univers littéraire. Chaque livre m’a offert une expérience unique, entre poésie, profondeur et humanité. Voici un aperçu de ces lectures marquantes, accompagnées de liens à longue traîne pour prolonger la découverte :
- Billets de contrebande, un recueil vibrant où l’auteur célèbre la magie des mots et la liberté intérieure, à lire dans ma chronique sur le pouvoir des mots dans Billets de contrebande d’Alain Cadéo.
- Sortie littéraire : M. Titre, un récit énigmatique et introspectif, que j’ai exploré dans ma lecture du récit M. Titre d’Alain Cadéo, une sortie littéraire singulière.
- L’homme qui veille dans la pierre, un roman bouleversant sur la mémoire, la filiation et la beauté du silence, à retrouver dans ma chronique du roman L’homme qui veille dans la pierre d’Alain Cadéo.
- Arsenic et Eczéma, une pièce de théâtre inventive et grinçante, revisitée dans mon article sur la pièce Arsenic et Eczéma d’Alain Cadéo, entre absurde et poésie.
- Confessions (ou les spams d’une âme en peine), un essai épistolaire singulier, que j’ai présenté dans ma lecture de Confessions d’Alain Cadéo, une âme en peine entre ciel et pixels.
Ces chroniques témoignent d’un compagnonnage littéraire fidèle, nourri par l’admiration et l’écoute.
Entrez dans un monde fragile où tout fait sens
Et si les histoires les plus simples étaient celles qui nous transformaient le plus profondément ? Avec Contes des petits mondes d’à côté, Alain Cadéo signe une dernière œuvre à la fois humble et lumineuse. Paru le 12 juin 2025, un an jour pour jour après la disparition de l’auteur, ce recueil posthume vous invite à plonger dans des récits courts, poétiques et chargés d’une vérité universelle, presque oubliée.
Dans la lignée de ses textes précédents, Cadéo vous tend la main pour traverser les frontières du réel. Il vous mène vers ces territoires intérieurs, ceux que vous aviez peut-être laissés derrière vous, quelque part entre l’enfance et l’âge adulte. Son écriture n’est ni démonstrative ni grandiloquente : elle vous effleure, vous éveille et vous interroge, doucement.
Un recueil venu d’ailleurs, entre rêve et mémoire
Contes des petits mondes d’à côté n’est pas un livre que l’on dévore en une nuit. C’est un ouvrage que l’on savoure, lentement, presque religieusement. Il se compose de textes courts, parfois à peine quelques paragraphes, mais porteurs de toute une cosmogonie intérieure.
Ces histoires ressemblent à des éclats de rêve, suspendus hors du temps. Elles ne cherchent pas à impressionner par des effets de style, mais à révéler une profondeur cachée sous la simplicité. Selon les mots de l’auteur lui-même :
« Il était une fois… faites attention, ça vous paraît léger, fragile, insignifiant… C’est pourtant là que dort tout l’inconscient. »
Et c’est bien là toute la magie du recueil : il transforme l’insignifiant en essentiel. Il donne une voix aux silences, une lumière aux zones d’ombre, et une densité nouvelle aux souvenirs flous.
La mémoire de l’enfance, fil conducteur
Ce qui frappe d’emblée à la lecture, c’est la manière dont Alain Cadéo fait renaître en vous les sensations de l’enfance. Ces petites choses que vous pensiez perdues, ces souvenirs enfouis que seule la littérature peut parfois réveiller.
Les contes semblent murmurés par des voix anciennes, celles d’un grand-parent, d’un ami disparu, ou d’un fragment de vous-même oublié. Ils réveillent une nostalgie douce, une présence apaisante. En cela, Contes des petits mondes d’à côté agit comme un baume : il ne vous ramène pas simplement en arrière, il vous réconcilie avec ce que vous étiez, et que vous êtes toujours.
La rêverie comme acte de résistance
Dans un monde qui va vite, qui exige des réponses, des chiffres, des objectifs, Alain Cadéo vous offre une échappée belle. Une rêverie assumée, presque subversive. Car rêver, aujourd’hui, n’est-ce pas déjà une forme de résistance ?
L’auteur oppose la lenteur féconde de l’imaginaire à l’agitation stérile du réel. Là où le quotidien impose sa logique, ses règles et ses contraintes, ces petits mondes vous permettent de respirer autrement, de penser autrement, d’être autrement.
« Car si le réel n’est qu’un singe se courbant devant les modes et l’immédiat,
la rêverie est un lion sans âge, régnant en maître sur l’espace et le temps. »
La puissance des voix disparues
L’œuvre prend une dimension d’autant plus bouleversante qu’elle est posthume. Alain Cadéo, proche de Luca Di Fulvio et Christian Bobin, s’inscrit dans cette lignée d’auteurs qui donnent à la disparition une résonance pleine de vie. Son écriture ne pleure pas l’absence, elle célèbre les traces.
Contes des petits mondes d’à côté est un recueil habité. On y entend les voix des aimés, des absents, de ceux qui continuent à vivre dans nos gestes, nos pensées, nos rêves. En cela, il devient un pont entre les générations, une forme de transmission douce, poétique, essentielle.
Une esthétique de la simplicité
Ce qui distingue le style de Cadéo, c’est sa capacité à magnifier le quotidien. Un objet oublié, une parole en suspens, une lumière sur un visage… tout devient matière à émotion, à méditation.
Il ne cherche pas à complexifier pour impressionner. Au contraire, il dépouille, il épure, il creuse. Vous ressentez à chaque page cette volonté de s’approcher de l’os, de l’essentiel, de ce qui reste quand tout le reste s’efface.
Une œuvre à vivre plus qu’à lire
Ce recueil n’est pas simplement un livre. C’est une expérience intérieure, presque une méditation. Il ne vous impose rien : il vous accompagne, doucement, dans vos propres souvenirs, vos propres silences. Il agit par échos, par résonance.
Chaque lecteur y puisera quelque chose de différent. Peut-être une sensation enfouie. Peut-être une idée de liberté. Peut-être une tristesse ancienne qui trouve enfin un mot, une forme, une beauté.
C’est un ouvrage à ouvrir souvent, au hasard, pour y trouver une phrase qui éclaire la journée. Un compagnon de chevet, de train, de solitude.
L’héritage d’un homme libre
En disparaissant le 12 juin 2024, Alain Cadéo a laissé un vide dans le monde littéraire. Mais avec Contes des petits mondes d’à côté, il nous offre un dernier cadeau. Un livre qui ne cherche pas à faire du bruit, mais à toucher. Un livre qui, comme lui, préfère la discrétion à l’esbroufe, la profondeur à la surface.
Ce recueil posthume vous invite à ralentir, à écouter, à rêver. Il vous propose une alternative : celle d’un monde où l’on vit avec légèreté, mais intensément. Où l’on croit encore à la puissance des histoires. Et où l’on se souvient que l’enfance n’est jamais loin, pour peu que l’on sache l’entendre.
Ce que ses mots nous laissent, et ce que nous en faisons
Et maintenant que les pages se referment, quelque chose persiste… Ce ne sont pas des fins que propose Alain Cadéo, mais des silences, des battements d’ailes, des réminiscences douces-amères. Lire Contes des petits mondes d’à côté, c’est accepter d’être changé non pas brutalement, mais subtilement — comme ces brumes du matin qui s’effacent sans bruit mais laissent l’air chargé d’un je-ne-sais-quoi.
Ce recueil n’est pas seulement un livre. C’est un compagnon discret pour celles et ceux qui savent encore s’émerveiller des choses minuscules. Il vous tend la main, sans insister, et si vous la prenez… vous comprendrez que les « petits mondes » ne sont jamais si loin.
Titre : Contes des petits mondes d’à côté
Auteur : Alain Cadéo
Nombre de pages : 150 pages
Date de parution : 12 juin 2025
Editeur : éditions La Trace
ISBN 9782487261235
Et vous, que vous disent ces petits mondes ?
Contes des petits mondes d’à côté est une invitation à la contemplation, à la rêverie, à la mémoire partagée. Il ne demande qu’à être rencontré, accueilli, relu. Et vous, avez-vous laissé place à ces contes dans votre vie d’adulte ? Vous êtes-vous déjà surpris à retrouver, au détour d’un mot, votre regard d’enfant ?
Partagez vos impressions, vos émotions, vos souvenirs. Quels récits, quels rêves ont façonné votre monde intérieur ? Le recueil d’Alain Cadéo en appelle d’autres, les vôtres. À vous maintenant de poursuivre l’histoire en commentaire.
2 commentaires
Merci pour cette présentation : on voit bien l’importance de la rêverie et d’accorder du temps aux « petites choses ».
Les mots d’Alain ont tous un sens.