Tous les mercredis, Yves Carchon, écrivain, nous ouvre son univers littéraire, en nous offrant le plaisir de la lecture d'une nouvelle ou d'une micro-fiction.

Pas sûr
Pas sûr qu’il vienne.
Nous avions convenu de nous retrouver là, dans cet appartement loué par lui.
« Tu verras, c’est très grand », m’avait-il assuré.
Je l’avais cru, comme je croyais à tout ce qu’il me disait. C’est vrai qu’il était grand. Et surtout vide. J’adore le vide. Avec le vide, tout reste à faire. Il faut bien le combler !
A deux, c’est mieux.
C’est ce qu’on s’était dit avant d’aller plus loin dans notre relation.
Quand je dis relation…
Jamais là, toujours parti pour son travail.
Moi à compter les jours, avec l’espoir qu’il se souvienne de moi.
On se voyait de temps en temps.
A la sauvette, si vous voyez…
D’aucuns font un enfant pour officialiser les choses. On s’était dit : « Si on vivait ensemble ? ».
Jusques là, tout était pour le mieux.
Pour me prouver combien il tenait fort à une vie à deux, il a loué l’appart lui-même. Il m’a promis que c’était une surprise.
Ç’en était une !
Quand le gars de l’agence m’a lâché, je suis restée toute seule. A l’attendre, bien sûr.
J’y suis encore : j’attends.
J’ai pensé qu’il avait été retenu, qu’il avait oublié, qu’il aurait pu au moins m’appeler pour se décommander, que sais-je ?
Je me suis dit : j’attends encore une heure.
J’ai attendu.
Une autre encore.
Au soir, je l’attendais toujours.
J’ai refermé la porte derrière moi en emportant la clé.
Demain, je le verrai, ai-je pensé. Il m’expliquera tout.
En guise d’explication, je ne l’ai plus jamais revu ! A cette heure où j’écris, je sais qu’il a eu mille fois raison.
Pas sûr qu’on eût pu vivre plus de deux mois ensemble !

Une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de "Riquet m'a tuer", de "Vieux démons", de « Le Dali noir », et de son dernier polar « Le sanctuaire des destins oubliés »