Quand j’ai rencontré Yôko, elle faisait de la photo. Vous me direz que pour une Japonaise…Là, je vous arrête tout de suite !

Yôko, son Leica en bandoulière
Après un très long séjour au pays du Soleil Levant, je peux attester que les Nippons ne passent pas leur temps à prendre des photos. En voyage, peut-être. Mais chez eux, jamais ! Bien trop affairés et tous occupés à leur besogne.
Donc quand j’ai connu Yôko, elle faisait de la photo avec un vieux Leica III, l’appareil de Capa et de Cartier-Bresson. La classe. Mais comme on peut très aisément l’imaginer, ce ne fut pas son Leica qui m’attira, même si elle voulut m’en dire un mot, le jour où nous prîmes notre premier café.
Quand elle m’accueillit plus tard dans sa modeste chambre de bonne, nous passâmes au thé. Je crois que, sans vouloir être déplaisant, j’ai dû boire avec Yôko des quintaux de thé. Passons : revenons à mon histoire.
Ce premier jour, ce fut son visage qui m’intrigua, un minois très fin, son front haut, ses cheveux soigneusement tirés, séparés par une raie nickel, et sur sa nuque réunis en un chignon majestueux. Ce qui me troubla surtout, ce furent ses longs doigts et ses ongles peints en rouge vif. Quand enfin elle me parla, au fond du café où nous avions fini par échouer, je fus captivé par le babil de ses lèvres qui me débitaient une suite de merveilles dont j’ai oublié toute la teneur, mais dont j’ai gardé un souvenir ému.
« Qu’aimez-vous photographier ? » lui demandai-je, ses lèvres s’étant tues et transformées en un parfait sourire. — Tout, répondit-elle. Des scènes de la rue ! Le train-train des jours ! La vie, quoi ! Elle avait un très léger accent qui me rendit vite chose. Et ce front trop lisse, trop honnête, qui paraissait abriter plein de supplices, à moi réservés…
Pour ce premier jour, nous nous contentâmes d’échanger nos téléphones, me promettant bien de ne pas l’appeler. Si elle appelait, ce serait une autre histoire. Quand elle appela, une semaine plus tard, je l’avais presque oubliée. Commença pour moi avec Yôko, ange portant son Leica en bandoulière, une savoureuse séance de photos — interminable.

Une micro-fiction signée Yves Carchon, écrivain, auteur de
- « Riquet m’a tuer« ,
- « Vieux démons« ,
- « Le Dali noir »,
- « Le sanctuaire des destins oubliés »
Et de son dernier polar : Deborah Worse
10 commentaires
J’ai 5 Leica et environ 300 appareils photos de collection…… Il faudra que je refasse ce vieil article obsolète maintenant….
http://freeriders.over-blog.net/article-10956049.html
@+
Ce serait bien que tu le refasses
le hasard, le destin !
le destin surtout
👍
merci
Encore un joli texte de cet auteur…
oui j’ai bien aimé
J’ai beaucoup aimé cette nouvelle
moi aussi